Attendu comme le Messie sur la Croisette, The Tree of Life n’a pas failli à ses attentes et suscite quelques 24 heures après sa présentation à Cannes de nombreux débats. Chef d’œuvre incontestable ou film propagande? Projet raté ou film murement réfléchi? Les avis divergent, comme souvent à propos du cinéma de Terrence Malick. Projet en construction depuis près de 10 ans, The Tree of Life avait suscité bien des espoirs et certains sans même l’avoir vu l’avait propulsé au rang de plus grand film jamais réalisé. Forcément face à cela, même Terrence Malick ne pouvait pas lutter. The Tree of Life est un film déroutant, dérangeant et qui en décevra plus d’un, mais il n’oublie pas d’être profondément poétique, très bien interprété et d’une beauté magistrale.
Texas, années 50. Jack est l’ainé d’une famille de 3 enfants. Adoré par sa mère, il va lier avec elle des liens très privilégiés. Face à cet amour débordant, il doit faire face à l’autorité de son père et l’éducation catholique qu’il reçoit. Son éducation ne l’empêche pas de grandir et de profiter de la vie en compagnie de ses frères et des amis de son quartier. Un jour, un évènement dramatique va remettre en cause les fondements même de son existence et de son éducation. Jack va alors devoir choisir entre le bien et le mal…
The Tree of Life est le film de toute une vie. A en voir le résultat on comprend mieux pourquoi Terrence Malick a mis si longtemps à rendre ce projet possible et à le réaliser. Véritable ovni dans le cinéma, The Tree of Life est la déclaration d’amour ultime de Terrence Malick à la nature et à la vie. Filmé uniquement grâce aux lumières naturelles, ce film est d’une beauté époustouflante. Le réalisateur touche au sublime lorsqu’il parvient à mettre en lumière les relations humaines et leur lien très étroit avec la nature qui les entoure. Terrence Malick a le secret pour connecter, ou plutôt reconnecter, les hommes avec l’environnement auquel ils font face. Avec The Tree of life, il ira même plus loin, jusqu’à confronter l’Homme à sa propre existence. Après une introduction un peu floue, le réalisateur américain nous offre sa vision du commencement de la vie sur Terre. Si l’on dépasse le côté National Geographic, on se rend bien compte du paris fou du projet. Oui The Tree of Life c’est l’histoire de Jack mais c’est surtout l’histoire de la vie, du Big Bang à la mort. Ainsi, si aux premiers abords, la présence de ces dinosaures, de ces astres, cellules vivantes et paysages infinis nous laisse un peu de marbre; on comprend par la suite le pourquoi du comment.
Là où The Tree of Life émerveille c’est dans sa façon de montrer la vie. De la naissance de Jack au départ de leur maison, la vie est filmée de la plus belle des manières et parfaitement retranscrite à l’écran. C’est la partie la plus intéressante du film et la plus belle. Terrence Malick parvient à capter la vie, à nous embarquer avec lui dans le quotidien plus ou moins ordinaire de cette famille. La naissance et les premiers pas du bébé sont tout simplement incroyable. A table ou à l’église on se sent proche de chacun des membres de cette famille. Si l’on comprend les questionnements existentiels de Jack, on comprend aussi l’autorité du père de famille qui cherche à protéger ses fils de la dureté du monde adulte. On comprend aussi la mère, déchirée entre ce mari trop autoritaire et ses enfants qu’elle chérit tant. Qui défendre ? Que faire pour ne pas trop ébranler l’autorité parentale ? Malgré cela, cette famille évolue, partage de très beaux moments et continue d’avancer soudée. Bien qu’élevés à la dure les enfants jouent, font des bêtises, et rient beaucoup. Une pure merveille. Les scènes de jeux en famille sont d’une grande beauté et suscitent en nous de bien belles émotions. Terrence Malick ne prend pas de parti pris ici et nous laisse apercevoir en chacun le bien comme le mal.
Autre grande réussite du film, la montée en puissance du mal et la remise en cause de l’autorité parentale à travers les yeux du fils ainé, Jack. Suite à cet évènement tragique, il va remettre en cause son éducation catholique et les concepts même du bien et du mal. Pourtant si docile, il va se rebeller, tout remettre en question, tant il est en colère contre ce dieu auquel il ne croit plus. Tel un petit Antoine Doinel américain. Cette montée en puissance est tout simplement saisissante et procure de grands frissons.
Là où le film a du mal à convaincre c’est dans sa construction. Bien installé dans les années 50, on se retrouve nez à nez avec Jack qui a bien grandit dans une Amérique qui a bien changé. Les ponts temporels ne sont pas toujours bien exploités et manquent parfois de liens entre eux. Cet aller-retour avec l’Amérique moderne n’apporte rien au propos tant Sean Penn (Jack adulte) est sous-exploité et proche de la figuration. Quand on s’y penche un peu mieux on voit bien la volonté de Malick de montrer la réconciliation entre Jack et son enfance, et surtout entre Jack et son père… Mais bon au final on s’y perd un peu…
Certains ont accusé Malick de nous imposer sa morale Judéo-chrétienne mais ce n’est nullement le sujet. Oui il est question de religion, la présence de ce Psaume en ouverture du film, et l’utilisation de prières murmurées en voix-off, peuvent donner à The Tree of Life des allures de film biblique mais est ce vraiment le but recherché ? The Tree of Life ne serait-il pas juste la mise en lumière des doutes humains et de leur lutte permanente entre le bien et le mal ? La sublimation de la vie dans son sens le plus primaire…
Quand au casting, il est parfait à 100%. Brad Pitt joue une partition des plus juste et est accompagné par la grâce de Jessica Chastain. Les enfants, qui ne sont pas acteurs, sont tous incroyables. Selon Brad Pitt interviewé par France Inter, les enfants n’avaient pas accès au scénario et on leur disait juste quelques minutes avant ce qu’ils devaient faire. Le résultat est stupéfiant ! On regrettera seulement Sean Penn, sous exploité et pratiquement muet tout le film, qui n’a ni l’espace ni le temps pour montrer l’étendue de son talent.
Au final, The Tree of Life peut être classé au rang d’œuvre. Oui une œuvre, tellement ce film fascine et est époustouflant de beauté. Une beauté réelle et finalement toute simple, transcendée par le regard du réalisateur. Le propos, bien que parfois assez lourd, est là aussi assez fascinant tant il est universel et tant on ressort remplit d’interrogations. The Tree of Life est incontestablement l’œuvre d’une vie, d’un homme. Film après film, Terrence Malick cherchait à nous montrer à quel point la nature était au début, mais également à la fin de tout. Ce film va complètement dans ce sens, et va pour ainsi dire totalement au bout de ce propos. On comprend les critiques négatives, car au final ce film peut agacer par sa teneur moralisatrice et par son côté assez vide de sens (notamment ces minutes assez interminables où est filmé la nature et la vie qui y sommeille sous toute ses coutures) ; mais la déception n’est jamais loin quand un film est attendu de la sorte. Une fois vu, The Tree of Life hante nos pensées, et restera longtemps gravé dans notre mémoire ; il est important d’y réfléchir et finalement de se faire sa propre idée du film. Il faut voir ce film comme une ode à la vie et la remise en question de l’Homme au sein de son univers. Dommage que Terrence Malick n’ait encore une fois pas souhaité donner d’interview, lui qui n’a pratiquement jamais été approché par un journaliste. On aurait tant de questions à lui poser… The Tree of Life est un film qui a d’ores et déjà marqué cette année, et le cinéma tout simplement. Un grand moment.
M.
4 Comments
C’est beau ce que tu dis :) et c’est assez vrai.
Et on est d’accord sur la dernière image au moins ;)
Merci Fred. Je ne sais pas toi mais pour nous le film grandit d’heure en heure et nous reste en tête longtemps longtemps après la fin… Un film à revoir!
J’aime vraiment votre article.
Tout à fait d’accord.
Un film synthèse qui brasse les thèmes chers à Malick, tout en prenant le risque d’être très ambitieux (partir du microcosme d’une famille pour relater la création de la vie).
Le résultat est fascinant, un peu allumé quand même, mais la réussite est, je trouve, totale.