Après This Must Be The Place et surtout Il Divo, Paolo Sorrentino venait présenter une nouvelle fois un film en compétition. Cette fois-ci il sera question de mondanité, de trésors cachés et de la Grande vie dans un Rome fantasmé. Chronique d’un film surprenant et hypnotisant.
Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep Gambardella – un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse – jouit des mondanités de la ville. Il est de toutes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré : il cache son désarroi derrière une attitude cynique et désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité. Sur la terrasse de son appartement romain qui domine le Colisée, il donne des fêtes où se met à nu “l’appareil humain” – c’est le titre de son roman – et se joue la comédie du néant. Revenu de tout, Jep rêve parfois de se remettre à écrire, traversé par les souvenirs d’un amour de jeunesse auquel il se raccroche, mais y parviendra-t-il ? Surmontera-t-il son profond dégoût de lui-même et des autres dans une ville dont l’aveuglante beauté a quelque chose de paralysant…
La bande-annonce nous avait pourtant pas beaucoup parlé et ne devrait pas en inciter beaucoup à aller voir le film. Pourtant la première scène complètement démente nous aura complètement scotché. Un touriste s’effondre devant la beauté de ce qui l’entoure. Plus bas, Jep fête son 65ème anniversaire dans une ambiance proche des soirées d’Ibiza. Le plan est somptueux et nous sommes enivrés immédiatement. La claque visuelle du Festival est sans doute devant nous.
Pourtant derrière ce bonheur apparent se cache une toute autre vérité. Jep est confronté à la vacuité de sa vie et à sa propre existence. Lucide et désabusé il ne veut plus jouer et veut donner du sens à sa vie, un but, de la consistance. Etre dans le vrai, dans l’émotion et ne plus être celui qu’on attend qu’il soit, voici l’ambition de Jep. La Grande Bellezza est alors d’une profondeur et d’une richesse inépuisable et son sujet tellement universel nous touchera forcément.
Cynique, drôle et vraiment bien écrit, le film de Sorrentino soulève de vrais questions sur notre place sur terre et nous dresse une galerie de personnages tous aussi intéressants les uns que les autres. Devant cette somptueuse fresque on reste sans voix et on s’intéresse à l’homme qui va attaquer une quête spirituelle et une recherche absolue de sincérité. Il y a de la vie et tellement de gravité dans la Grande Bellezza qu’on en ressort vraiment habité, un peu sonné et complètement fasciné.
Si la Grande Bellezza porte bien son nom c’est aussi et surtout grâce à sa mise en scène. Images sublimes, musique classique qui s’entremêle à de la musique Techno, longs plans à couper le souffle, La Grande Bellezza est une pure merveille et devrais facilement décrocher le prix de la mise en scène.
Le fim n’aurait jamais été le même sans son interprète principal. Toni Servillo, acteur fétiche de Sorrentino, signe encore une immense performance. Impressionnant dans la peau de ce dandy moderne, Servillo accapare l’écran et nous fait passer par toutes les émotions.
Loin de la chronique mondaine que la bande annonce vendait, La Grande Bellezza est un film moderne bien ancré dans son époque qui soulève de vrais questions existentielles et exploite la crise de la soixantaine avec une vraie pudeur. Un film fou, complètement habité par son héros principal qui nous donnera le tournis.