Après une troisième journée riche en émotions, le programme de ce samedi est bien chargé. Et même si je préférerais traîner sous la couette en regardant la pluie tomber par la fenêtre, je me motive pour rejoindre La Croisette. Il faudra pour cela braver une pluie torrentielle entre Nice et Cannes, mais qu’importe : Cannes, tu le vaux bien !
Ce matin, La Croisette est déserte. Des trombes d’eau s’abattent sur les rares courageux qui déambulent dans les rues pour rejoindre le Palais. J’ai l’impression qu’il est 5 heures du matin et d’être le lendemain d’une grosse soirée. Et même si je croise deux jeunes filles talons à la main appréciant cette douche matinale, je prends conscience que la journée commence. Un café et un cookie plus tard, me voici déjà à patienter devant le palais pour assister à mon premier film du jour. La pluie redouble de violence, les parapluies se multiplient alors que je commence déjà à prendre l’eau. Là, le choix des chaussures en daim ne me parait plus du tout être une bonne idée et déjà je regrette mes fines chaussettes. Trempée, je me réfugie dans la salle, curieuse de voir pourquoi Tel père, tel fils fascine autant. Habituée à ma petite place en Mezzanine, je surveille mon jury s’installer. Je peux vous dévoiler aujourd’hui que Nicole Kidman et Christoph Waltz se mettent toujours à côté alors que Spielberg préfère s’isoler derrière eux.
Même si le film est long à se mettre en place et souffre de sérieux problèmes de rythme, je dois m’avouer séduite par ce Tel père, tel fils. Dans un Japon hyper formaté et strict, deux familles vont découvrir que leurs fils ont été échangés à la naissance. À partir de cette révélation, elles vont toutes deux s’interroger sur la valeur des liens du sang et sur sa légitimité face à un amour naturel. Très juste et tout en finesse, Koré-Eda livre une chronique tendre et amère sur l’extrême rigidité nippone qui voudrait que les liens du sang soient plus forts que l’amour paternel. Un film touchant mais qui ne tombe jamais dans le pathos ou la surenchère tant il est humain. Un vrai coup de cœur partagé par beaucoup manifestement. Certains le voyant déjà en sérieux candidat à la Palme D’or.
Dehors, il pleut toujours. Le palais des Festivals s’étant alors transformé en immense Arche de Noé, accueillant dans chaque recoin des festivaliers ne voulant pas aller affronter la tempête extérieure. Les gens dorment sur le sol, écrivent des critiques en retard, lisent des programmes ou rechargent leur iPhone en espérant pouvoir ressortir un jour. Je les imite et avale un sandwich en attendant la projection de Jimmy P. Difficile alors de circuler dans le Palais et sur les trottoirs tant tout le monde cherche à se mettre à l’abri et à éviter la douche. Trempée des pieds à la tête (le vent bat toujours le parapluie), je monte rapidement les marches alors que sous mes pieds le tapis rouge est gorgé d’eau. Dans la salle, alors que des festivaliers se font refouler faute de places, je m’installe en Corbeille. J’enlève mes chaussures pour éviter la pneumonie et attend patiemment le film de Desplechin.
Difficile d’expliquer alors mon ressenti après le visionnage de Jimmy P. Expérience intense au cœur de la psychanalyse, le récit d’Arnaud Desplechin est passionnant et la performance de Del Toro incroyable. Une plongée fascinante au cœur de l’esprit et des souvenirs pour soigner un mal physique post-traumatique. Une amitié irréelle mais tellement belle entre deux hommes qui n’auraient jamais dû se rencontrer. Un très bel objet de cinéma et déjà une envie de le revoir. Je mettrais bien une petite pièce sur un prix d’interprétation pour l’acteur Porto-Ricain, voire quelque chose pour la mise en scène pour le réalisateur français.
Si on était très bien aux États-Unis en compagnie de ces indiens, le retour à la réalité est tout autre. Les parapluies se multiplient en bas des marches, alors que le soleil ne semble pas vouloir percer. Déjà, les invités se présentent pour la montée de 19h. De mon côté, je vais tenter ma chance à la Semaine de la Critique pour Les Amants du Texas avec Rooney Mara et Casey Affleck. Là, il me faut affronter des centaines de passant voulant tous assister à la montée des marches. Les parapluies s’entrechoquent, les gens s’impatientent et le trajet entre le Palais et l’Espace Miramar me parait interminable. Sur le chemin, je croise les voitures de Jimmy P et je reconnais Desplechin dans l’une d’entre elles. Plus loin, au Mariot, un mec à capuche se fait poursuivre par des adolescentes en fleurs, je ne saurais dire s’il s’agissait d’un sportif ou d’un chanteur à la M. Pokora. Je ne suis plus si jeune.
Arrivée à 18h30, pour la projection à 20h du film de David Lowery,je commence alors là un long combat contre le froid (oui en Mai, tout va bien) et la fatigue. Je gère mon impatience en attendant que les portes s’ouvrent enfin. Alors que je vois toute la Presse entrer sans problèmes je commence à m’interroger sur mes chances de voir le film. À 19h58, ma file avance enfin pour que devant moi j’entende un “C’est complet désolé”. Rageant intérieurement et maudissant l’organisation de ce festival (Ce serait plus simple de dire aux gens qui font la queue qu’à partir d’un certain endroit ce n’est plus la peine, non ?), je retourne à ma voiture n’ayant envie que d’une bonne douche brûlante et d’une soupe. Je sèche alors la soirée Orange mais la journée sous la pluie aura eu raison de moi. Il faut en plus être en forme pour dimanche puisque les frères Coen viennent présenter leur nouveau film et qu’accéder à cette projection risque d’être épique !