Dans quelques jours cela fera 6 mois. 181 jours sans pouvoir hésiter entre tel ou tel film, se dire “non, le popcorn, ce n’est pas raisonnable”, se plaindre des interminables publicités, jeter un regard agacé vers ses voisins bavards, débattre à l’issue d’une projection, réserver sa séance en ligne, s’impatienter d’une prochaine sortie, improviser un “ce soir, on se fait une toile ?”, découvrir un nouveau talent, fouler la moquette de son cinéma de quartier.
J’ai 32 ans et cela fait au moins 25 ans qu’une telle abstinence ne m’aura été imposée. Certains diront que le cinéma est aujourd’hui plus accessible que jamais, grâce aux plateformes foisonnantes, Netflix, Amazon Prime Video, Disney + and co. Mais ce serait oublier l’expérience unique qu’offre une salle de cinéma. Regarder un film chez soi ou dans une salle obscure sont deux expériences bien distinctes. Si certaines œuvres passent très bien l’épreuve du passage à la télévision du salon, d’autres s’en trouvent indéniablement amputés d’un organe vital. La télévision et la salle de cinéma sont complémentaires avant d’être concurrentes. Si j’en étais déjà convaincue, la crise sanitaire l’aura confirmé.
Aujourd’hui, ce loisir qui était devenu une habitude me manque terriblement, comme si je n’étais plus complète. Après 6 mois, le manque ne fait que s’intensifier et aucune plateforme ne saura me sevrer. Au-delà de la passion du cinéma qui m’anime, retrouver le chemin des salles est devenu un symbole. Celui de la liberté retrouvée, un jour prochain.
En attendant ces retrouvailles qui s’annoncent émouvantes entre les salles et leur public, on se console comme on peut. Pour ma part, j’ai plutôt misé sur les séries. En revoir certaines (Dawson, série culte de mon adolescence, qui gagne à être revue), en découvrir d’autres (rattrapage complet de The Crown ou Ted Lasso, dernière pépite découverte sur Apple TV).
Avec l’arrivée du printemps vient le temps de la projection, grâce à cet espoir de réouverture des lieux culturels. Impossible encore de connaître le calendrier des sorties et comment les distributeurs jongleront avec ce casse-tête. Pour les spectateurs, il faudra aussi sans doute faire des choix cornéliens. J’ai hâte de pouvoir réserver mon fauteuil C9 et d’y savourer le prochain Wes Anderson, le nouveau Mission Impossible ou encore Mandibules, nouvelle bizarrerie signée Quentin Dupieux.
Très chères salles, nos jours heureux reviendront.