Après le très remarqué Incendies, Denis Villeneuve est de retour avec Prisoners. Avec son casting cinq étoiles et son sujet forcément très fort, Prisoners était annoncé comme l’un des films marquants de cet automne. Une attente justifiée ?

Dans la banlieue de Boston, deux fillettes de 6 ans, Anna et Joy, ont disparu. Le détective Loki privilégie la thèse du kidnapping suite au témoignage de Keller, le père d’Anna. Le suspect numéro 1 est rapidement arrêté mais est relâché quelques jours plus tard faute de preuve, entrainant la fureur de Keller. Aveuglé par sa douleur, le père dévasté se lance alors dans une course contre la montre pour retrouver les enfants disparus. De son côté, Loki essaie de trouver des indices pour arrêter le coupable avant que Keller ne commette l’irréparable… Les jours passent et les chances de retrouver les fillettes s’amenuisent…

Dès le départ, Denis Villeneuve nous embarque avec lui. Ne prenant aucune seconde pour planter son décors, ou très peu, le réalisateur québécois introduit directement histoire. Pas le temps pour du superflu, place à l’urgence. On enlève les fillettes et l’histoire peut alors commencer. Là où d’autres auraient vu une aubaine pour piocher dans le pathos, Villeneuve prend comme point de départ l’enlèvement. Impossible donc, de s’émouvoir trop sur leur disparition ni sur ces familles déchirées. C’est d’ailleurs là où le film prend tout son intérêt : dans sa volonté de dresser le portrait de deux hommes, unis par un drame, tous les deux bancals.

D’ailleurs avant d’aller plus loin, saluons l’immense performance des deux acteurs. Hugh Jackman et Jake Gyllenhaal faisant jeu égal dans ce thriller froid et fascinant. On se demande si ce n’est pas la meilleure performance de Jackman quand celle de Gyllenhaal nous rappelle un certain Zodiac… Pour vous dire le niveau !

Thriller froid donc, construit comme un immense puzzle (un labyrinthe serait plus approprié…) qui va nous balader minute après minute pour nous faire perdre tous nos repères. Une fois qu’on pense avoir trouvé l’assassin, Villeneuve balance un nouvel indice qui remet toutes nos certitudes en doute. On se sent manipulé, pris au piège et impossible d’y voir le bout. Le réalisateur ayant tout l’art et la manière de semer sur son chemin milles et une incertitudes.

Alors qu’on s’inquiétait quant à la durée du film (2h30), très vite on se prend au jeu et difficile alors de décrocher. On est complètement happé par cette histoire insoupçonnée qui lève le voile sur la douleur et l’infini désespoir des parents à qui l’on vient d’arracher un enfant. Pas de langue de bois ici non plus. Juste une grande sincérité, d’aller au delà des évidences et des choses souvent montrées dans les journaux. Le film paraissant en ce sens parfois très bordeline et assez politiquement incorrect (la police qui fait mal son travail, le père qui fait sa vendita…).

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Au delà de son sujet fort, c’est dans la forme que Prisoners nous bousculera complètement. Alors qu’un meurtrier n’est pas clairement identifié, qu’on ne sait rien de lui ni de ses motivations, on ressent le danger absolument partout autour de nous. On sait que quelque chose ne va pas, impossible d’identifier la source. Un climat oppressant est alors présent et ne s’en ira jamais. Et cela d’autant plus lorsque le thriller bascule dans le drame psychologique…

Malgré de brillantes idées et une mise en scène très inspirée, Prisonners finit par coincer sur la fin. Difficile d’argumenter sans spoiler mais les 30 dernières minutes sont bien en dessous de l’ensemble du film et vient quelque peu “gâcher” le film. Après nous avoir bien chahuté dans tous les sens, Villeneuve commence à dérouler des ficelles tellement grosses qu’on perd beaucoup en intensité. Des ficelles agaçantes tant le film nous avait bluffé jusque là. On aurait aimé que le réalisateur aille au bout de son histoire et non qu’il décide de boucler ça très rapidement et de manière assez ridicule. Dommage donc…

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Fascinant et glaçant, Prisoners est le thriller de cet automne, peut-être même de l’année. Quelque part entre Mystic River et Zodiac, Prisoners aurait pu être un excellent film si sa fin un peu baclée et trop américaine n’était pas venue contrarier les ambitions du réalisateur.

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Cinéphile aux lacunes exemplaires, mon coeur bat aussi pour la musique, les chaussures léopard et les romans de Bret Easton Ellis. Maman de 2muchponey.com, niçoise d'origine, parisienne de coeur, je nage en eaux troubles avec la rage de l’ère moderne et la poésie fragile d'un autre temps. Si tu me parles de Jacques Demy je pourrais bien t'épouser.

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