Cate Blanchett et son jury ont rendu hier soir leur palmarès pour la compétition officielle du Festival de Cannes. Après 10 jours de compétition, les prix remis ont confirmé une année politique à Cannes. Pas beaucoup de surprise à signaler. Explications.

Caméra d’Or : Girl de Lukas Dhont. Le premier prix remis hier soir nous aura fait énormément plaisir. Et même si de nombreux premiers films prometteurs ont été présentés à Cannes (on pense notamment aux Chatouilles), Girl avait tout pour plaire. Un sujet ultra-actuel (la question du genre), une interprétation incroyable du jeune Victor Polster et une mise en scène sensible et inspirée ont fait de Girl l’un des évènements de la Croisette. Le film sortira le 10 octobre sur nos écrans.

Prix d’interprétation féminine : Samal Yeslyzmova pour Ayka. Contrairement à l’interprétation masculine, il y avait ici trois sérieuses prétendantes. Joanna Kulig dans Cold War, Zhao Tao dans les Eternels et Samal Yeslyamova dans Ayka. Trois femmes fortes dans un monde d’hommes. Si notre préférence allait plutôt vers Zhao Tao on doit avouer qu’en découvrant Ayka on ne voyait plus trop comment le Prix d’interprétation pouvait échapper à son interprète Samal Yeslyamova qui porte seule le film. Cette actrice kazakhe est bouleversante dans le rôle d’une mère qui lutte pour sa survie dans une Russie austère. Mi-documentaire, mi fiction Ayka fait partie de ces films politiques et engagés qui lèvent le voile sur une Europe meurtrie. Sa présence au palmarès s’explique parfaitement. Ayka n’a pas encore de date de sortie en France.

Prix du scénario ex-aecquo : Alice Rohrwacher pour Heureux comme Lazzaro et Nader Saeivar pour Trois visages de Jafar Panahi. Puisqu’on n’a pas vu le Panahi, on ne parlera que du Lazzaro. Bien que pas fan du cinéma de Rohrwacher (si quelqu’un peut un jour nous expliquer Les Merveilles…) on doit avouer que le scénario de Heureux comme Lazzaro est assez saisissant. Le film raconte l’histoire d’un jeune paysan et de sa communauté dupés par une baronne qui ne savent rien du monde moderne. Un jour, après un accident, il revient et retrouve les siens dans le monde moderne. Difficile de vous en dire plus tant le film est plus une expérience qu’un récit mais c’est en toute logique qu’il a récupéré le Prix du scénario.

Prix de la mise en scène : Cold War de Pawel Pawlikowski. Deux films en noir et blanc se disputaient la mise en scène. Le polonais Pawel Pawlikowski pour Cold War et le russe Kirill Serebrennikov pour son très beau Leto. Le jury aura préféré la classe et la maîtrise du polonais. Le noir et blanc est sublime. On aurait aimé un peu plus d’audace sur ce prix qui aurait pu aller à un David Robert Mitchell par exemple.

Prix d’interprétation masculine : Marcello Fonte pour son rôle dans Dogman. Il aura fallu attendre la deuxième semaine pour avoir enfin un sérieux candidat au Prix d’interprétation masculine. A l’issue de la projection, tout le monde savait que Marcello Fonte aurait le prix tant il est merveilleux chez Garrone. L’autre prétendant c’était Vincent Lindon mais on voyait mal comment le jury allait lui remettre le même prix qu’il avait eu pour La loi du marché.

Palme d’or spéciale : Jean-Luc Godard pour Le livre d’image. Cate Blanchett déclare vouloir récompenser celui qui fait évoluer le cinéma en permanence, nous on y voit plutôt une nécessité de la part du festival de récompenser celui qui fut jadis un génie. Et puisqu’il est en vie profitons-en pour lui donner une farandole de prix pour des films qui ne seront vus par personne ou si peu. Bref une Palme d’or spéciale sans intérêt pour un film sans intérêt.

Prix du jury : Capharnaüm de Nadine Labaki. Ha celui-ci on le voyait bien plus haut vu l’accueil cannois et l’émotion du jury à l’issue de la projection. Au final le prix du jury s’avère logique. Il récompense un message fort et une envie de cinéma très forte de la part de la réalisatrice. Un coup de coeur du jury plus qu’un grand film. De notre côté, on reste très mitigé sur le film qui use un peu trop de pathos pour délivrer son message.

Grand prix : BlacKkKlansman de Spike Lee. Film raté 2 fois (en presse puis en rattrapage) tant tout Cannes voulait le voir. Dans ce palmarès très politique il n’est pas illogique de voir le plaidoyer anti Trump au Palmarès.

Palme d’or : Une affaire de famille d’Hirokazu Kore-eda. On se doutait un peu que la Palme se jouerait entre Labaki, Lee et Kore-Eda. Une fois les autres prix remis, cette palme attendait logiquement Kore-eda. La Palme récompense autant la carrière hallucinante de Kore-Eda que son film Une affaire de famille. Ce dernier est un drame d’une grande humanité qui reprend les thèmes de Capharnaüm sans jamais tomber dans le pathos. Il parle des petits gens, des familles qui se composent au détour du hasard et qui restent ensemble par choix. Un très beau film sur la famille et la misère sociale. Kore-eda a encore frappé et cette fois-ci il repart avec une Palme. Une Palme qui vient redonner un peu d’espoir à ce 71 ème Festival de Cannes un peu terne.

Japanese director Hirokazu Kore-Eda (2ndL) poses on stage with Australian actress and President of the Jury Cate Blanchett (L), US actress and member of the Feature Film Jury Kristen Stewart (2ndR) and French actress and member of the Feature Film Jury Lea Seydoux after he was awarded with the Palme d’Or for the film “Shoplifters (Manbiki Kazoku)” on May 19, 2018 during the closing ceremony of the 71st edition of the Cannes Film Festival in Cannes, southern France. / AFP PHOTO / Alberto PIZZOLI

Si le palmarès nous paraît très logique, il reste des oubliés du palmarès. Parmi eux, le très beau Leto, qui a enchanté la presse en tout début du Festival. Cette fresque rock est une ode à la liberté et à la création artistique. On aurait aimé voir Plaire, aimer et courir vite au palmarès pour la beauté sa mise en scène et son interprétation délicate. Enfin, on a beaucoup aimé Under The Silver Lake qui était peut-être trop “superficiel” pour un palmarès 100% politique ou presque !

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Cinéphile aux lacunes exemplaires, mon coeur bat aussi pour la musique, les chaussures léopard et les romans de Bret Easton Ellis. Maman de 2muchponey.com, niçoise d'origine, parisienne de coeur, je nage en eaux troubles avec la rage de l’ère moderne et la poésie fragile d'un autre temps. Si tu me parles de Jacques Demy je pourrais bien t'épouser.

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