Un drame réalisé par Philip Barantini et écrit par Jack Thorne et Stephen Graham

Netflix a parfois le don de sortir une série de nulle part et d’en faire un phénomène. Adolescence en est le parfait exemple. Pas de promo massive, pas de têtes d’affiche ultra bankables, et pourtant, la mini-série a directement pris la tête du classement mondial. Avec un score parfait de 100 % sur Rotten Tomatoes, difficile de ne pas être intrigué.

Après avoir binge-watché les quatre épisodes (oui, seulement quatre, et pourtant…), je peux vous dire que cette série n’est pas juste un bon drame criminel. C’est un véritable tour de force cinématographique, une expérience télévisuelle captivante, éprouvante et virtuose.

Adolescence. Owen Cooper as Jamie Miller in Adolescence. Cr. Courtesy of Netflix © 2024

Un crime, un ado accusé et un pari de mise en scène osé

Le pitch d’Adolescence semble familier : un adolescent est arrêté pour le meurtre de sa camarade de classe. On pourrait croire à un énième drame judiciaire sur fond d’enquête policière. Mais ici, tout est différent.

D’abord, la réalisation. Chaque épisode est tourné en un seul plan-séquence. Pas de coupes, pas de montage : la caméra suit les personnages sans interruption, nous plongeant au cœur du chaos et des émotions brutes. On est prisonniers avec eux, spectateurs impuissants d’une tragédie qui se déroule sous nos yeux.

Ensuite, l’histoire. Le premier épisode nous fait vivre en temps réel l’arrestation de Jamie Miller, 14 ans, par une unité d’élite de la police. La caméra le suit depuis son lit jusqu’à la salle d’interrogatoire, sans jamais lâcher son regard apeuré. Le deuxième épisode nous transporte dans son lycée, où les enquêteurs cherchent à comprendre ce qui a pu mener à ce drame. Le troisième épisode, lui, est une confrontation d’une intensité hallucinante entre Jamie et une psychologue judiciaire. Le quatrième et dernier épisode explore l’impact du crime sur la famille du jeune garçon.

Adolescence. (L to R) Ashely Walters as Detective Inspector Bascombe, Faye Marsay as Detective Sargeant Frank, in Adolescence. Cr. Courtesy of Netflix © 2024

Une mise en scène qui te cloue sur place

Si ce parti pris de l’unique plan-séquence rappelle 1917 ou encore Boiling Point (du même réalisateur, Philip Barantini et avec Stephen Graham), l’effet ici est encore plus puissant. Pas de triche, pas de montage dynamique pour couper les silences gênants : tout est vécu dans l’instant, et c’est précisément ce qui rend la série aussi immersive qu’oppressante.

La caméra virevolte, suit les personnages sans interruption, traverse des portes, entre dans des voitures, capte chaque micro-expression des acteurs. On a l’impression d’être un témoin invisible, collé à eux dans cette spirale infernale. C’est bluffant techniquement et émotionnellement.

Netflix a révélé des chiffres autours de la série, voici les prises choisies pour chaque épisode.

  • Ép. 1 – Prise 2 – tourné le jour 1 sur 5
  • Ép. 2 – Prise 13 – tourné le jour 5 sur 5
  • Ép. 3 – Prise 11 – tourné le jour 5 sur 5
  • Ép. 4 – Prise 16 – tourné le jour 5 sur 5

Quelques images des coulisses :

Un casting en état de grâce

Stephen Graham (qui co-écrit la série) est magistral dans le rôle du père dévasté. Ashley Walters est glaçant en flic usé par son métier. Mais la véritable révélation, c’est Owen Cooper, un jeune acteur de 15 ans qui crève l’écran dans son premier rôle. Jamie est un ado comme un autre, avec ses doutes, ses maladresses… et un crime sur la conscience.

Et puis il y a Erin Doherty, qui campe une psychologue au regard perçant. Son face-à-face avec Jamie dans l’épisode 3 est l’un des moments les plus intenses que j’ai vus à la télé ces dernières années. J’en ai eu des frissons et le souffle coupé.

Adolescence. (L to R) Erin Doherty as Briony Ariston, Owen Cooper as Jamie Miller in Adolescence. Cr. Courtesy of Ben Blackall/Netflix © 2024

Un miroir brutal de notre époque

Au-delà de l’enquête, Adolescence est surtout un miroir social glaçant.
Le scénario dissèque les ravages des réseaux sociaux, la culture de la masculinité toxique et l’incapacité des adultes à comprendre les codes de la jeunesse connectée.

À un moment, un flic ne comprend pas les emojis sur un post Instagram et doit demander à son fils de les décrypter. C’est une scène toute simple, mais qui illustre le gouffre générationnel et l’aveuglement des adultes face à ce qui se joue sous leurs yeux.

Et ce n’est pas un hasard si Andrew Tate est mentionné. Le monde virtuel dans lequel baignent ces ados est devenu un terrain fertile pour la haine et la radicalisation, et Adolescence le montre avec une justesse terrifiante.

Adolescence. (L to R) Stephen Graham as Eddie Miller, Owen Cooper as Jamie Miller, in Adolescence. Cr. Courtesy of Netflix © 2024

Pourquoi regarder Adolescence ?

Parce que c’est un choc. C’est un tour de force cinématographique, une série qui prend aux tripes et qui ne laisse pas indemne.

Parce que c’est incroyablement bien joué. Chaque acteur, du plus jeune au plus expérimenté, livre une performance hallucinante de réalisme.

Parce que ça parle de notre monde. La série ne se contente pas de raconter un crime. Elle interroge sur ce qu’on enseigne (ou non) aux garçons, sur l’inaction des adultes, sur les dérives d’Internet et des réseaux sociaux.

Adolescence, c’est l’une des plus grandes claques télévisuelles de ces dernières années.

C’est un thriller psychologique nerveux, suffocant, mais bouleversant, une prouesse technique et une interrogation sociale essentielle. À voir absolument.

Author

Blogueuse spécialisée dans les écrans. Partage son temps entre les bouquins, les jeux vidéo, les séries TV, le cinéma et les podcasts.

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