Avec La Chambre d’à Côté, Pedro Almodóvar fait une entrée remarquée dans le cinéma anglophone en livrant un drame intimiste qui explore les thèmes universels de l’amitié, de la perte et de la mort choisie. Porté par les performances magistrales de Tilda Swinton et Julianne Moore, le film aborde avec finesse des sujets complexes, tout en conservant l’empreinte stylistique du maître espagnol.
Il sort en France le 5 janvier 2025 !
Un voyage vers la fin de vie
Ingrid (Julianne Moore), écrivaine vivant à Manhattan, reprend contact avec Martha (Tilda Swinton), une ancienne amie et correspondante de guerre atteinte d’un cancer en phase terminale. Alors qu’elles se replongent dans leur passé commun, partagé entre souvenirs, anecdotes et œuvres artistiques, Martha formule une demande bouleversante : qu’Ingrid l’accompagne dans ses derniers jours.
Elles se rendent alors dans une maison isolée en pleine nature, où Martha souhaite mettre fin à ses souffrances grâce à une pilule qu’elle s’est procurée. Ingrid, installée dans « la chambre d’à côté », devient témoin de cette décision radicale. Entre promenades courtes et longues soirées cinéma, les deux femmes explorent leurs regrets, leur rédemption, et la mortalité qui les unit dans ce dernier chapitre partagé.
Un duo d’actrices inoubliable
Tilda Swinton et Julianne Moore livrent des performances d’une intensité rare, incarnant avec justesse les nuances de leur relation complexe. Swinton brille dans son rôle de Martha, oscillant entre courage et vulnérabilité face à sa décision, tandis que Moore offre une Ingrid tout en retenue, tiraillée par ses propres peurs et sa loyauté envers son amie.
Leur alchimie palpable donne vie à des échanges puissants et émouvants, ancrant le film dans une humanité universelle. Mon coeur a vibré de leurs échanges honnêtes et réels.
Une esthétique sobre et maîtrisée
Avec La Chambre d’à Côté, Almodóvar opte pour une mise en scène plus sobre que ses œuvres précédentes, tout en restant fidèle à son style visuel distinctif. La photographie d’Eduard Grau capte la beauté mélancolique des paysages et des espaces clos, mettant en lumière les émotions des personnages.
L’utilisation d’une palette de couleurs tamisées et de cadrages intimistes amplifie la dimension introspective du film. Ce choix esthétique, renforcé par les costumes signés Bina Daigeler, souligne la simplicité élégante de ce huis clos.
Des scènes marquent, par leurs couleurs, leur ambiance, chaque détail, la propreté de la mise en scène.
Un plaidoyer pour l’euthanasie
Le réalisateur aborde frontalement un sujet encore tabou : le droit de choisir sa mort. À travers le personnage de Martha, La Chambre d’à Côté explore les notions de dignité, de liberté individuelle, et de solidarité face à la souffrance. Lors de la Mostra de Venise, où le film a été acclamé, Almodóvar a affirmé son soutien à l’euthanasie, déclarant : « Il s’agit de la liberté personnelle de l’homme, de son droit à ne pas laisser la maladie décider quand la fin est proche, mais à garder lui-même les rênes. »
Cette prise de position confère au film une dimension politique et universelle, tout en conservant une approche profondément humaine et empathique.
Lors de l’avant-première parisienne, Almodóvar et ses deux actrices ont souligné l’importance du sujet pour eux et les avancées récentes, au Royaume-Uni en particulier pour Tilda.
Un film riche en références et émotions
Comme à son habitude, Almodóvar parsème son œuvre de multiples références culturelles, allant de Virginia Woolf à Federico Fellini en passant par Edward Hopper. Ces clins d’œil enrichissent le récit, tout en ancrant les personnages dans une réflexion artistique et existentielle.
Almodóvar a souligné l’importance pour lui de la présence de l’art qui reflète ses personnages, comme l’oeuvre « symboliquement » masculine chez Martha pour représenter son métier de reporter de guerre, souvent attribué aux hommes.
Malgré un sujet grave, le film parvient à conserver une certaine légèreté grâce à des moments de tendresse et même de drôlerie, témoignant de l’intelligence de la narration et de l’écriture. Un équilibre qui tient le spectateur sur le fil de ses émotions, sans plonger dans le pathos, mais tout en restant vibrant.
La Chambre d’à Côté est une réflexion poignante sur les liens humains, la mort, et la quête de rédemption. Grâce à une mise en scène maîtrisée, des actrices au sommet de leur art, et une approche subtile de sujets complexes, Pedro Almodóvar signe un film aussi audacieux qu’émouvant.
Un film émouvant et profondément humain, qui laisse une impression durable par sa sincérité et sa finesse. Et vous, laisserez-vous La Chambre d’à Côté vous toucher au cœur ?