Cela fait un moment que l’article aurait dû être écrit mais voilà il y a des films comme ça qui demandent du temps. Parce qu’on ne veut pas trahir l’émotion ressentie ou parce qu’on ne trouve rien mieux à dire que “vas y, c’est magistral!”. Le film est en salle depuis une semaine, on l’a vu deux fois, on est désormais prêts à vous parler de 120 battements par minute.
À moins de vivre dans une grotte vous n’avez pas pu passer à côté de l’ouragan 120 battements. Palme du cœur cannoise (et Grand Prix du jury accessoirement) le film de Robin Campillo est l’événement de l’été. 120 battements suit l’histoire de Sean et Nathan, jeunes militants d’Act Up dans les années 90. L’association multiplie les actions coup de poing pour faire réagir les pouvoirs publiques face à l épidémie de Sida. Sean et Nathan vont su rencontrer, s’aimer, avancer ensemble jusqu’à ce que la maladie prenne le dessus.
Au premier visionnage on a décomposé le film en deux parties. La première, plus accessible, raconte l’association, les actions, les débats, l’avancement des discussions avec les groupes pharmaceutiques tout en dressant le portrait de chacun des activistes. Partie fascinante très rythmée qui nous fait autant sourire que renifler.
La seconde, plus grave, suit le parcours d’un malade de scanner en traitement lourd jusqu’à la fin de vie. Passage obligé face à l’ampleur de l’épidémie mais moins intéressante d’un point de vue purement cinéma.
Puis vint la rencontre avec son réalisateur. Celui-ci nous explique que tout ça correspond à des fragments de son passé. Qu’en pleine épidémie, les couples se faisaient et du jour au lendemain l’un était gravement malade. L’amoureux du moment devait alors s’en occuper même s’il n’était ensemble que depuis quelques semaines. Il raconte aussi la vie qui prenait toujours le dessus puisque les militants se retrouvaient chaque soir en boîte de nuit quelques soient les circonstances, quelques soient les drames. Une célébration de la vie presque chamanique qu’on retrouve complètement dans le film. Lorsqu’il raconte que lui aussi a du habiller un ami mort, on comprend que le film n’est pas une fantaisie mais un témoignage presque documentaire d’une époque heureusement révolue.
Parce qu’il faut voir 120 battements par le prisme de son auteur, impossible alors de l’imaginer autrement. Bien sûr on aurait aimé plus de vie associative, plus de passion de nos deux héros mais finalement toute la force du film réside ici : dans sa capacité à jamais nous donner ce qu’on veut. Le film de Campillo est en ce sens presque une allégorie de la vie. Magistral.
De sa BO à sa mise en scène, 120 battements est un objet de cinéma fascinant. Quelque chose de rare dans le cinéma français actuel qui ose tout sans jamais chercher à plaire à tout prix.
Si 120 battements n’est pas prêt de disparaître de nos pensées, on retiendra surtout un visage, celui de Nahuel Pérez Biscayart, grande gueule et yeux d’ange dont on prédit déjà le César du meilleur espoir. César qui viendra compléter une razzia qui s’annonce déjà évidente.