Après le très poétique Restless en 2011, Gus Van Sant est de retour avec Promised Land et retrouve Matt Damon pour la troisième fois de sa carrière.
Steve Butler, représentant d’un grand groupe énergétique, se rend avec Sue Thomason dans une petite ville de campagne. Les deux collègues sont convaincus qu’à cause de la crise économique qui sévit, les habitants ne pourront pas refuser leur lucrative proposition de forer leurs terres pour exploiter les ressources énergétiques qu’elles renferment. Ce qui s’annonçait comme un jeu d’enfant va pourtant se compliquer lorsqu’un enseignant respecté critique le projet, soutenu par un activiste écologiste qui affronte Steve aussi bien sur le plan professionnel que personnel…
Dans la grande famille du cinéma indé américain, Gus Van Sant tient une place privilégiée. Auteur de petites pépites comme Elephant, Will Hunting, Gerry ou Harvey Milk plus récemment, le réalisateur du Kentucky est attendu à chaque nouveau film avec la même ardeur. Et cela d’autant plus quand il s’attaque à un sujet brulant et qu’il propose à Matt Damon d’en être le scénariste.
Après s’être intéressé à la maladie ou à la tuerie de Colombine, Gus Van Sant revient à des sujets moins graves et va avec Promised Land s’intéresser aux petits gens, à ceux dans l’ombre à qui on ne donne jamais la parole. Là, le réalisateur d’Harvey Milk nous emmène avec lui en plein Kentucky rencontrer des gens normaux. On est alors très loin de l’image américaine classique, des jolies filles et des paysages de rêves qu’on s’imagine toujours. Ici, les paysans (oui car ce sont des paysans au sens littéral du terme) se tuent à la tache et peinent à joindre les deux bouts. Du coup, quand un messie débarque et propose à tous ces gens de l’argent, beaucoup d’argent, c’est une nouvelle vie qui semble pointer le bout de son nez.
L’aspect le plus intéressant dans Promised Land c’est sans doute la réflexion sur l’identité commune, le combat de l’individuel contre la communauté. Dans son film, Gus Van Sant s’interroge sur la notion d’individualisme et la perte du sentiment communautaire pourtant si cher aux Américains. Il se demande à quel moment les intérêts personnels doivent primer sur le bien public. A quel moment l’attraction de l’argent prend le pas sur le bonheur collectif. Doit-on accepter un paquet de dollars même si l’avenir de nos enfants n’est plus garanti ?
Même si le gentil tacle sur le gaz de chiste et ses dérives est en fond, Promised Land est avant tout l’histoire d’un homme qui va se retrouver confronter à lui-même et à son passé qui va devoir choisir entre le bien et le mal. Matt Damon, qu’on retrouve pour la première fois, dans la peau du méchant, interprète ici Steve, fils de paysans qui a tiré un trait sur sa vie d’avant mais qui va tout reconsidérer au fur et à mesure de ses rencontres.
Si les méfaits de l’exploitation du gaz de chiste font polémique, on retiendra surtout dans Promised Land une critique assez virulente des multi-nationales prêtes à tout pour arriver à leur fin. Manipulateurs et menteurs, Steve et Sue n’hésitent pas à faire quelques courses pour se mettre aux couleurs locales en espérant se fondre dans la masse et jouer la carte du “On vous ressemble, faites nous confiance”. Dans un twist final qu’on ne vous dévoilera pas, on verra même que les grosses entreprises qui gouvernent la planète sont même prêtes à aller beaucoup plus loin que ça …
Sans avoir la puissance émotionnelle d’un Harvey Milk ou d’un Elephant, Promised Land est encore une fois une belle réussite signée Gus Van Sant. Un film léger en apparence mais définitivement engagé qui risque de vous travailler longtemps après le générique de fin.