Après nous avoir fasciné et bouleversé avec Take Shelter, Jeff Nichols revient à Cannes en compétition officielle cette fois-ci pour nous présenter Mud. Moins inquiétant que Take Shelter mais non moins passionnant et terriblement envoutant, Jeff Nichols fait encore une fois des prouesses ! Chronique d’un très beau moment de cinéma.

Mud-AfficheEllis et Neckbone, 14 ans, découvrent lors d’une de leurs escapades quotidiennes, un homme réfugié sur une île au milieu du Mississipi. C’est Mud : une dent en moins, un serpent tatoué sur le bras, un flingue et une chemise porte-bonheur. Mud, c’est aussi un homme qui croit en l’amour, une croyance à laquelle Ellis a désespérément besoin de se raccrocher pour tenter d’oublier les tensions quotidiennes entre ses parents. Très vite, Mud met les 2 adolescents à contribution pour réparer un bateau qui lui permettra de quitter l’île. Difficile cependant pour les garçons de déceler le vrai du faux dans les paroles de Mud. A-t-il vraiment tué un homme, est-il poursuivi par la justice, par des chasseurs de primes ? Et qui est donc cette fille mystérieuse qui vient de débarquer dans leur petite ville de l’Arkansas ?

A seulement 33 ans, Jeff Nichols confirme avec Mud tout le talent qu’on avait descellé  en lui dans Take Shelter. Ici on ne parle plus de folie ni de fin du monde, mais d’amour. Et surtout de la capacité d’un être à supporter un amour non partagé et à s’en sortir intact ou même plus grand. Au travers du regard de deux individus (un enfant et un fugitif) Jeff Nichols nous raconte que quelque soit la difficulté d’aimer et d’etre aimé, la vie prend toujours le dessus. Sujet pourtant banal, Jeff Nichols le transcende et livre un film en tout point remarquable.

En suivant les aventures de deux attachants adolescents, Jeff Nichols donne à son film des allures de fable sur l’enfance. On s’immisce alors dans la vie d’ Ellis et Neckbone, on s’émerveille de leur maturité, on partage avec eux leur rêve et leur espoir, leur doute et leur frayeur devant un monde adulte qui n’a rien d’enviable. Jeff Nichols, comme Wes Anderson avec son Moonrise Kingdom, nous montre que les enfants comprennent toujours les choses plus vite et mieux que leurs parents. Quand il s’agit d’amour ou d’amitié, les enfants comprennent mieux les enjeux et n’ont peur de rien. Alors que Mud peine à avouer ses sentiments à sa copine, Ellis n’hésite pas à déclarer son amour à sa camarade de classe devant des dizaines de personne. Cette scène sera d’ailleurs la plus émouvante du film. Il aura donc fallu attendre qu’un gamin de 14 ans hurlent son amour et sa rage pour nous donner nos premiers vrais frissons du festival et notre première gorge nouée.

Jeff Nichols aborde aussi avec Mud le thème de la famille qu’il affectionne particulièrement. Enfant abandonné, incompris, famille à la déroute, Mud exploite à la perfection le passage de l’enfance à l’âge adulte et la difficile confrontation entre le monde rêvé de l’enfance et la réalité cruelle. Pendant qu’ Ellis et son copain se ballade sur le Mississippi et participe à la rénovation d’un bateau, les parents de ce dernier sont en train de se séparer. Les deux garçons vont alors trouver en Mud une sorte de mentor, de père idéalisé, qu’ils vont vouloir rendre fier.

La brillante idée du film est de ne pas axer son sujet sur la traque du fugitif ni sur le meurtre commis par Mud. Les enfants l’ayant accepté très vite, le film de Jeff Nichols ne sera jamais un thriller à ambiance tendue. Ellis et Neckbone n’ayant pas peur de Mud, aucune scène de violence ou d’angoisse ne seront alors présentes. Jeff Nichols préférant se concentrer sur les relations entre ses protagonistes à un moment donné plutôt que sur un passé ou un futur.

Une fois encore, Jeff Nichols choisit de nous parler d’une amérique méconnue bien loin de celle que nous idéalisons. Ici les maisons sont de bric et de broc, les enfants trainent dans les rues et les parents croulent sous les factures. Pas beaucoup d’argent ni d’occupations dans cette amérique là. Une amérique profonde et très rurale. Pourtant pas de pathos chez Nichols. Jamais il ne décide de s’apitoyer sur ses personnages et n’en fait pas non plus un background lourd. Très humain, Mud ne se révèlera jamais idiot ou niais bien qu’il soit raconté au travers du regard d’enfants. Cela étant rendu possible grâce à une mise en scène ultra-naturelle et sans artifices de style. La beauté des paysages et les décors naturels suffisant à rendre la photo magnifique !

Si on commence à reconnaitre chez Nichols une certaine maitrise de la mise en scène rappelant Terrence Mallick, on peut aussi saluer chez lui un grand talent dans la direction d’acteurs. Matthew McConaughey qu’on avait vomi dans The Paperboy est, dans Mud, d’une légèreté et d’une justesse incroyable. Il incarne avec force et très intelligemment ce fugitif au grand cœur.Reese Witherspoon en petite amie planquée est tout aussi attachante même si on aurait aimé la voir un peu plus à l’écran … Michael Shannon acteur fétiche de Nichols est aussi présent mais c’est véritablement le jeune Tye Sheridan que l’on retiendra le plus de ce Mud. Déjà repéré dans The Tree Of Life, Tye Sheridan détonne en jeune adolescent en apprentissage de la vie. Notez définitivement son nom, il se pourrait bien que le jeune Tye Sheridan soit le futur prodige du cinéma indé américain !

Conte initiatique sur fond de règlement de compte, Mud est la petite perle du 65ème festival de Cannes. Drôle et touchant, merveilleusement interprété et très intelligent, le nouveau film de Jeff Nichols l’envoie directement dans la cour des grands ! Avec ses décors naturels magnifiques et sa BO absolument saisissante, Mud est un beau moment de cinéma, juste et sincère, rafraichissant et pourtant terriblement marquant et imprégnant. A voir !

Author

Cinéphile aux lacunes exemplaires, mon coeur bat aussi pour la musique, les chaussures léopard et les romans de Bret Easton Ellis. Maman de 2muchponey.com, niçoise d'origine, parisienne de coeur, je nage en eaux troubles avec la rage de l’ère moderne et la poésie fragile d'un autre temps. Si tu me parles de Jacques Demy je pourrais bien t'épouser.

2 Comments

  1. Visons leciel Reply

    J’avais adoré Take Shelter, hâte de voir celui ci !

  2. Visons leciel Reply

    J’avais adoré Take Shelter, hâte de voir celui ci !

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