Après le coup de maître The tree of life, Terrence Malick est déjà de retour avec A la merveille, un conte existentiel sur l’amour et les croyances.
Même s’ils se sont connus sur le tard, la passion qu’ont vécue Neil et Marina à la Merveille – Le Mont-Saint-Michel – efface les années perdues. Neil est certain d’avoir trouvé la femme de sa vie. Belle, pleine d’humour, originaire d’Ukraine, Marina est divorcée et mère d’une fillette de 10 ans, Tatiana.
Désormais, le couple est installé dans l’Oklahoma. Leur relation s’est fragilisée : Marina se sent piégée. Dans cette petite communauté américaine, elle cherche conseil auprès d’un autre expatrié, un prêtre catholique nommé Quintana. L’homme a ses propres problèmes : il doute de sa vocation…
Marina décide de retourner en France avec sa fille. Neil se console avec Jane, une ancienne amie à laquelle il s’attache de plus en plus. Lorsqu’il apprend que rien ne va plus pour Marina, il se retrouve écartelé entre les deux femmes de sa vie. Le père Quintana continue à lutter pour retrouver la foi. Face à deux formes d’amour bien différentes, les deux hommes sont confrontés aux mêmes questions.
Un film de Terrence Malick seulement 2 ans après le précédent ? Et oui, le réalisateur le plus rare du cinéma américain, semble avoir pris un rythme de croisière puisqu’un prochain film avec Ryan Gosling devrait voir le jour en 2014. Avec sa belle bande-annonce, son casting attirant et son affiche tout simplement sublime, on avait hâte de découvrir ce nouveau Malick. Et puis un nouveau Malick c’est toujours un événément !
Longue voix off interminable, vues du mont Saint Michel, balades dans Paris puis visites américaines, c’est donc cela le nouveau Malick ? Lui qui nous avait habitué à de grandes fresques sur la vie et la mort, en surprendra plus d’un face à la simplicité et le manque de “background” de son nouveau film. Terrence Malick le naturaliste semble faire dans le minimalisme et ne s’encombre plus d’artifices pour nous parler d’Amour. Un mal pour un bien tant cette histoire totalement brute nous hypnotisera alors même qu’on s’y opposait. Bizarre sentiment alors d’être embarqué contre son gré dans une histoire banale mais tellement intense et tragique qu’elle ne peut vous laisser de marbre. Oui car avec A la merveille, Malick nous montre qu’il a tout compris à l’amour. Le vrai le grand, celui qui vous fait autant de mal que de bien, qui vous blesse plus qu’il vous enivre, qui vous crève le coeur et vous déchire à chaque instant. Malick nous parle alors d’amour et de passion, de destinée et surtout de la fuite inéluctable du bonheur. C’est en ce sens qu’A la merveille sera si bouleversant et si troublant. Parce qu’il nous ramènera quelque part un peu à nous et à nos histoires qui ont pas toujours bien tournées. Et cela malgré nous.
Malick nous parlera aussi de forces supérieures à l’homme, d’un combat qui ne nous appartient pas et dont on ne peut évidemment pas être le vainqueur. Dans A la merveille l’humain et le divin s’opposent constamment. Un combat élevé à son paroxisme grâce au portrait d’un homme d’église qui ne trouve plus la foi et dont la vocation semble tout aussi innaturelle que l’amour qui unit Tatiana et Neil. Terrence Malick ce génie qui réussit à mêler ces deux histoires alors que personne n’y croyait au départ. Comme dans une histoire d’amour c’est à la fin que les choses s’éclaireront enfin, que le flou laissera place à la lumière, qu’A la merveille se révèlera tout simplement magique et miraculeusement inoubliable. Chaque phrase, chaque silence ou chaque geste résonnant alors en nous pour l’éternité.
Evidemment on passera sur le fait qu’encore une fois, le film est d’une beauté à couper le souffle et que la photo est parfaite. On s’arrêtera par contre sur des éléments qui nous auront dérouté et qui auront très probablement endormi plus d’un. D’abord parce qu’il faut l’avouer A la merveille est sans doute le film le moins accessible de Malick. Bien qu’on soit habitué au long plan sans dialogues à la prédominance de la nature sur l’Homme, impossible de rester calme face à cette histoire qui ne semble jamais décoller. On attendra toujours que le film commence alors que le générique vient de tomber. Bizarre sensation alors de ne pas avoir vu un “vrai” film mais plutôt d’avoir vécu un instant dans la peau de quelqu’un d’autre. Et oui parce que la vie c’est pas toujours comme au cinéma, il y a pas toujours des attaques extra-terrestres, des drames, des meurtres ou des guerres. Parfois il y a juste de l’ordinaire. Un ordinaire que Terrence Malick maitrise évidemment et qu’il retransmet avec une douceur et une mélancholie presque angoissante.
On aurait pu aussi être agacé par le silence glaçant de Ben Affleck presque invisible dans A la Merveille. Ou être énervée face à cette Olga Kurylenko qui ne sait manifestement pas ce qu’elle veut. Et bien non, même pas. On a très vite compris que derrière cet homme droit et froid se cachait une blessure et que son effacement était dû à ses doutes, à sa foi en cet amour. On a compris aussi le déchirement de Tatiana, son besoin d’être aimé par l’homme qu’elle aime et de comprendre d’ou venait ce puissant amour. On a compris pas mal de choses alors qu’on était sur d’avoir rien vu.
Les voies du seigneur sont impénétrables disent-ils, celle qu’a choisi Malick n’était pas la plus facile mais nous a touché au plus profond. Avec A la merveille, il réalise un film nu, naturellement efficace et nous dit que l’amour comme la foi n’est pas inné et qu’il faut le cultiver pour l’entretenir. Un film aussi minimaliste que son ambition est grande. Une merveille qui risque fort de vous frapper en plein coeur.