Couronné au dernier festival du film britannique du Dinard, Shadow Dancer faisait partie de ces petits films dont on attendait impatiemment la sortie. Et parce qu’un Clive Owen en tête d’affiche ne se refuse jamais, on s’est rendu dans les salles obscures pour voir le résultat.
Shadow Dancer raconte l’histoire d’une famille républicaine d’Irlande du Nord. Les trois enfants, Gerry, Connor et Collette ont grandi avec l’ombre de l’assassinat de leur plus jeune frère et ont choisi l’IRA comme seconde famille. Si Collette est plus en retrait et concentre toute son énérgie dans l’éducation de son fils qu’elle élève seule, les deux frères révolutionnaires agissent chaque jour pour faire reculer les anglais. Ils tuent sans scrupules et répondent oeil pour oeil aux coups que le parti reçoit. Contrainte de suivre le mouvement et de s’impliquer souvent, Collette est chargée de déposer une bombe dans le métro londonnien. Le MI5 qui la suit depuis longtemps l’arrête avant que l’attentat soit commis. Dans leur bureau Mac, un agent secret, lui laisse le choix : collaborer en vue de l’arrestation de ses frères ou dire adieu à son fils en finissant en prison. Collette décide de faire confiance à Mac et retourne dans sa famille espionner les siens.
A la lecture de son synopsis et à la vue de sa bande annonce, on avait placé de grands espoirs en Shadow Dancer. Et si l’histoire reste captivante on reste un peu de glace face à la froideur de la narration.
En nous jettant à la figure cette Irlande désenchantée, James Marsh s’assure d’un premier choc. Dans ce climat de violence constante et sous ce ciel gris affreusement pesant, on oublie bien vite la gentille Irlande aux gentils buveurs de bière et aux fans de Bono. Ici la vie est une lutte. Qu’elle soit politique ou non, chaque protagoniste semble se battre pour une cause. Pour un enfant, pour une nation, pour une vie, pour éviter la mort, Collette, Gerry et Connor cherche un nouvel espoir. Traumatisés par l’assassinat de leur frère étant encore enfants, ceux-ci ont fait de la vengeance leur quotidien. Toujours sur la corde, Shadow Dancer sera en tout point passionnant et dresse le portrait d’une famille qui de désillusions en désillusions s’est vue rattraper par la violence.
Un climat oppressant qui sera renforcer par l’infiltration de Collette. Agent double dans cette histoire, elle tente de sauver sa peau sans pour autant trop trahir les siens. Dès lors qu’elle repose les pieds dans sa maison, on redoute le pire. On craint que sa couverture ne soit pas assez épaisse et qu’elle craque à la moindre occasion. On craint que Kevin lève le voile sur cette histoire et comprenne enfin l’identité de la taupe … On est donc pendant près d’1h40 en apnée totale tant on sait qu’à la moindre seconde le plan peut déraper.
Shadow Dancer racontera finalement deux histoires. Celle de Collette bien sur mais aussi celle de Mac et de son investigation autour d’une opération qui lui fille entre les mains indéniablement. On apprend alors que même au sein de la plus grande agence britannique de services secrets les agents n’hésitent pas à ruser et à mentir pour arriver à leur fin. Qu’il soit question de vie ou de morts d’infiltrés n’y changeant rien. Les services secrets qu’on a l’habitude de voir si propre et si irréprochable se voient ici largement critiquer et voient leur image au dessus de tout soupçons s’effriter. On est loin très loin du MI5 à la James Bond qui se débarrasse des méchants et s’occupe de préserver les gentils.
Passionnant de bout en bout, il manquera à Shadow Dancer un petit quelque chose pour susciter l’adhésion totale. Peut-être dû à une froideur omniprésente, on restera un peu sur la touche durant ce thriller politique. Peut-être parce qu’on est pas irlandais et que finalement les combats de l’IRA contre on ne sait pas trop qui nous paraissent trop abstraits. Quoi qu’il en soit on restera très détaché devant Shadow Dancer qui ne suscitera jamais attachement aux personnages dont on se fout bizarrement de la destinée. Construit comme la Taupe, Shadow Dancer ne compensera pas sa froideur par une mise en scène exacerbée comme son prédécesseur. La faute à une caméra un peu trop objective et à des prises de vue trop réelles qui nous font comparer Shadow Dancer à un drame social plus qu’à un vrai thriller.
Ce manque total de compassion provient sans doute du fait qu’aucun des personnages n’est attachant. Là où Ken Loach nous transformait en partisan de l’Irlande libre dans son très beau Le Vent se lève, James Marsh ne prend jamais le temps de s’attarder sur ses personnages dont l’idéologie reste un immense mystère. Le résultat ? On se sent ni appelé par une cause ni désolé pour les personnages qui semblent subir tout cela. La faute aussi à des acteurs pas franchement investis et assez pénibles. Andrea Riseborough nous agacera dès les premières minutes avec sa mine désolée et ne nous enlèvera pas une émotion durant toute la durée du film. Il en sera de même pour Clive Owen, bien fade, de Gillian Anderson un peu trop cliché, et des frères interprétés par Aidan Gillen et Domhnall Gleeson (tiens j’ai cru voir un Wesley) qui ne convaincront jamais en grands révolutionnaires.
A la tension exacerbée, Shadow Dancer surprend par sa force à raconter deux histoires en une. Thriller très réussi au twist final exquis, il manquera à ce Shadow Dancer de l’audace et de l’humanité pour nous scotcher complètement. Un autre casting et un autre metteur en scène aurait sans doute pu faire de bien plus grandes choses.
1 Comment
ce que j’ai remarqué c’est que c’est gris, la photographie est nulle; l’histoire est intéressante mais manque de punch.
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