Après Punch Drunk Love lundi, place à un nouveau Paul Thomas Anderson aujourd’hui : Boogie Nights. Une plongée scorsesienne dans l’univers du X et l’ascension puis la descente d’un jeune acteur à la recherche de reconnaissance. Chronique d’un film Rock’n’Roll.

Dans une banlieue de Los Angeles à la fin des années 70, Eddie Adams, 17 ans est plongeur dans un night-club branché. Considéré comme un raté par sa mère et méprisé par son père, le jeune Eddie n’a qu’une obsession : devenir connu. Au night-club il fait la connaissance de Jack Horner, un réalisateur de films X qui voit en Eddie la future étoile de ses films. Convaincu du potentiel du jeune homme, il va le prendre sous son aile et lui offrir la vie qu’il mérite. Il n’en faudra pas plus à Eddie pour quitter la maison parentale et partir vivre la grande aventure de sa vie. Sa belle gueule et son aura sexuelle suffiront pour propulser Eddie Adams en haut de l’affiche. Dirk Diggler est né et compte bien transformer le cinéma “exotique pour adultes”.

Oh que le pari était risqué pour Paul Thomas Anderson. Juste un an après son premier film, Hard Eight, le jeune réalisateur (27 ans quand il tourne Boogie Nights) s’attaque à un sujet complexe : l’industrie pornographique et va même plus loin en réalisant une vraie analise sur ses forces et ses limites. En tête d’affiche on retrouve un certain Mark Wahlberg qui trouve après The BasketBall Diaries un rôle d’une force inimaginable. Un film qui, à l’image de son acteur et de son réalisateur, n’a pas froid aux yeux et est prêt à repousser toutes les barrières dressées par Hollywood.

Boogie Nights fait parti de ces films qui s’impregnent en vous et dont la fascination est presque obligatoire. Dès les premières minutes on sent que quelque chose se passe. Boogie Nights se révèlera tour à tour aussi séduisant qu’angoissant. D’abord lorsqu’on découvre la vie du jeune Eddie, injustement malaimé par une mère hystérique puis lorsqu’on assiste à l’ascension de ce même garçon et à sa prochaine descente aux enfers qu’on voit inéluctablement venir. Grâce à une introduction en matière et à un vrai travail sur les personnages (comme PTA en a l’habitude) on ressentira tout au long du film une vraie empathie envers les protagonistes. Paul Thomas Anderson nous prendra alors dans ses filets et nous empêchera d’en sortir jusqu’à la toute fin du film. Un vrai tour de force du réalisateur qui parvient à maintenir un climat passionnant et une tension omniprésente pendant plus de deux heures !

Quand on avait lu le synopsis autant vous dire qu’on était pas convaincu, convaincu, qu’il faille le regarder tant l’univers du porno nous disant franchement rien. Finalement on aura compris que ce contexte n’aura pas énormément d’importance et qu’il sert juste de base pour raconter une histoire avant tout humaine. Eddie Adams aurait pu être acteur, chanteur ou sportif, que Boogie Nights aurait été le même (ou presque) et l’histoire racontée sensiblement identique. Ici on parle de rêves, de destinées, de volonté de devenir quelqu’un, de succès-story, d’ambitions, d’amours et d’amitiés, de disillusions, de trahisons et c’est ces différents accents que l’on retiendra le plus bien que l’évolution d’un cinéma pour adultes reste assez passionnante.

Encore une fois dans le cinéma de Paul Thomas Anderson, on reconnait une immense maitrise dans la mise en scène. Moins fou que Punch Drunk Love, Boogie Nights vous bluffera par sa mise en scène. Que ce soit lors d’un premier plan séquence au coeur d’un night club ou lors d’une fête autour de la piscine, on sera sidéré par la manière de tourner de Paul Thomas Anderson. Chaque plan est un plaisir immense qui nous fait regretter de pas avoir découvert cette merveille plus tôt. Pour couronner une image sublime, Boogie Nights se paye une Bande Originale démente qui se voit s’enchainer Boney M, Marvin Gaye et les Beach Boys.

Sous ces allures de succès story seventies Boogie Nights se révèlera d’une noirceur insoupçonnée où l’on découvre une Amérique désillusionnée qui sombre petit à petit. Dans un premier final complètement hallucinant Boogie Night atteint des sommets de noirceur et de péssimisme qui vient confirmer un côté du film qu’on pressentait déjà depuis un petit moment. Viscéral !

Paul Thomas Anderson ne s’y trompe pas en rassemblant autour de lui un casting d’une classe internationale. La vraie claque on la prendra du côté du jeune Mark Wahlberg qui livre ici ce qui sera sans doute la meilleure prestation de sa carrière. A 26 ans il détonne par sa maturité et sa capacité à braver toutes les difficultés pour s’imposer en immense révélation. Imaginez la force du gars qui au début de sa carrière accepte de jouer un acteur porno dans un film et de se promener à moitié nu durant une bonne partie du film … Autour de lui on retiendra Burt Reynolds épatant en père de substitution, Juliane Moore aussi magnétique qu’effrayante en maman junky et Philip Seymour Hoffman en parfait contre-emploi dans la peau d’un jeune homosexuel mal dans sa peau dont l’agitation nous inquiète à chaque instant. Paul Thomas Anderson pose avec Boogie Nights les bases de son futur film choral, Magnolia, et nous prouve avec Boogie Night qu’il excelle aussi dans la direction d’acteurs.

Avec son portrait d’une Amérique boiteuse, sa volonté de montrer les limites de l’argent et du succès et sa mise en scène fascinante, Boogie Nights fera parti de ces films qui marquent. Paul Thomas Anderson prouve à 27 ans qu’il est un surdoué et que rien ne lui fait peur, ni montrer les seins de Juliane Moore ni choisir un jeune premier pour lui faire prendre le plus gros risque de sa vie. Une claque immense prise devant Boogie Nights que l’on attendait pas à un tel niveau d’intensité. Qu’importe la qualité de son nouveau long, PTA est vraiment The Master !


M.

Author

Cinéphile aux lacunes exemplaires, mon coeur bat aussi pour la musique, les chaussures léopard et les romans de Bret Easton Ellis. Maman de 2muchponey.com, niçoise d'origine, parisienne de coeur, je nage en eaux troubles avec la rage de l’ère moderne et la poésie fragile d'un autre temps. Si tu me parles de Jacques Demy je pourrais bien t'épouser.

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