Après J’ai tué ma mère et Les Amours imaginaires, le prodige Xavier Dolan était une nouvelle fois de retour sur la Croisette pour présenter son Laurence Anyways. Avec un casting absolument génial, le réalisateur québécois raconte une somptueuse histoire d’amour inspirée et inspirante sur fond de crise identitaire dans son film le plus abouti. Un véritable coup de cœur !
Laurence Anyways, c’est l’histoire d’un amour impossible.
Le jour de son trentième anniversaire, Laurence, qui est très amoureux de Fred, révèle à celle-ci, après d’abstruses circonlocutions, son désir de devenir une femme.

Drôle de projet que ce Laurence Anyways. Après avoir exploité les thèmes de l’homosexualité et de la bisexualité, Xavier Dolan s’attaque cette fois à la question du changement de sexe et de la transexualité. Et à la vue de la bande annonce on se demandait bien dans quoi le jeune réalisateur voulait nous embarquer. Pourtant le casting (Nathalie Baye + Melvil Poupaud ) et la mention “Dolan” nous attiraient inévitablement.

Xavier Dolan n’a que 22 ans et pourtant avec Laurence Anyways il confirme un style, une façon de filmer et de raconter des histoires. Le “Dolan style” existe bel et bien et nous fait reconnaitre ses films au premier regard. Un univers très fort, identifiable parmi mille où la beauté des plans et un soucis du détail sont les premières priorités. Dès le début de Laurence Anyways on rentre dans ce monde là. Fever Ray résonne, If I Had a Heart accompagne une scène d’ouverture démente dans laquelle une silhouette de femme fait se retourner tout le monde sur son passage. Gros plan sur des visages surpris ou choqués, Xavier Dolan entre dans son sujet et cadre ainsi son film autour du regard de l’autre.

Au démarrage très pop voir totalement rock’n’roll Xavier Dolan nous présente Laurence et Fred. Déjà un petit indice sur la question d’identité sexuelle : Laurence est un homme, Fred une femme. Ensemble ils vivent une fantasque histoire d’amour, font des listes de choses qui nuisent à leur bonheur, et s’éclatent comme des enfants. Laurence est fascinée par les femmes jusqu’à s’apercevoir qu’en réalité il en est une … Du jour au lendemain il doit affronter cette révélation, faire face et aller jusqu’au bout pour ne plus mentir, ni à soi ni aux autres. Un choc pour Fred qui décide de l’aider plutôt que de s’enfuir. Une preuve d’amour magnifique à travers laquelle Xavier Dolan nous dit que l’amour est plus fort que tout et ne s’arrête pas aux genres féminins/masculins. D’ailleurs il fera dire à l’un de ses personnages qu’on tombe amoureux d’une personne et non d’un sexe …  Tout le propos de Laurence Anyways est alors là.

Puis vient la confrontation au regard de l’autre. La première scène dans laquelle Laurence arrive en femme dans sa salle de classe est une perle du genre. Alors que personne ne réagit, abasourdi, une élève lève la main et pose une question sur un devoir à rendre. Là Xavier Dolan se débarrasse de la question de l’acceptation des autres et peut ainsi avancer dans ses propos. Après il faut encore affronter la famille. Là encore Xavier Dolan s’amuse de la situation en partant du postulat de relations tendues entre parents et fils. Nathalie Baye est absolument divine en mère originale et indépendante qui se contrefout du bien pensant et ne se prive pas de dire à son fils ce qu’elle pense toujours. Quelque peu égoïste, elle se révèle touchante quand elle pose deux minutes sa cigarette pour réconforter son fils ou l’accompagner dans son changement.

Xavier Dolan ne nous parle pas uniquement de changement de sexe mais d’une histoire d’amour. D’une histoire d’amour plus grande et plus forte que tous les préjugés capable de dépasser tous les obstacles et de surmonter toutes les épreuves ou presque. Une histoire d’amour magnifique dans laquelle le bonheur confortable n’est jamais suffisant et dans laquelle la passion doit faire exulter ses amants. Anti-conformistes, ambassadeur de la recherche du bonheur absolu, Fred et Laurence sont un couple pour le moins original et totalement fascinant. Avec des hauts et des bas, ils passeront 2h40 à s’aimer, se détester, se désirer, se retrouver et se séparer. Un tourbillon de la vie dans lequel tous les chemins semblent les réunir. C’est ce que l’on appelle le destin …

Grâce à une mise en scène magistrale, Laurence Anyways prend de la hauteur et donne au film des allures de mini Coppola dans l’esthétisme. La recherche du beau semble la préoccupation majeure de Dolan qui s’attarde dans ses plans sur des détails et des effets stylistiques absolument prenant. Quand il fait tomber du ciel des habits ou des feuilles ou quand il déclenche une averse dans un salon, on est comme hypnotisé par la maitrise. Tout est beau chez Dolan : ses décors, ses costumes, ses idées, ses personnages.

Xavier Dolan fait des prouesses dans la direction d’acteurs, que ce soit avec les premiers rôles (Melvil Poupaud est saisissant tout comme sa partenaire Suzanne Clément juste solaire) qu’avec les seconds. La soeur, les parents ou les amis un peu barrés apportent chacun à leur manière beaucoup au film.

Xavier Dolan remet en question dans Laurence Anyways la définition de marginalité et nous dit que les marginaux ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Il attaque le concept même de normalité et nous montre que dans la vie il faut être ambitieux et ne jamais tomber dans la facilité. Une leçon de courage et une très belle histoire d’amour qui auraient pu être encore plus prenantes si Xavier Dolan avait quelque peu raccourcis son scénario. A force de faire se perdre et se retrouver ses deux héros, Xavier Dolan finit par tourner en rond et rend la fin longue à arriver. Une BO démente et envoutante viendra aider dans le rythme et pousser un peu quand le film s’allonge sans raison.

En axant son film sur une merveilleuse et tragique histoire d’amour et non pas uniquement sur le changement de sexe, Xavier Dolan signe ici son film le plus abouti et le plus émouvant. Fantasque, pop, original, décalé, ambitieux, drôle et très intelligent Laurence Anyways dépeint avec beaucoup de malice une génération de jeunes adultes et s’interroge sur la notion de normalité. Un grand film qui restera longtemps dans les esprits !

M.

Author

Cinéphile aux lacunes exemplaires, mon coeur bat aussi pour la musique, les chaussures léopard et les romans de Bret Easton Ellis. Maman de 2muchponey.com, niçoise d'origine, parisienne de coeur, je nage en eaux troubles avec la rage de l’ère moderne et la poésie fragile d'un autre temps. Si tu me parles de Jacques Demy je pourrais bien t'épouser.

4 Comments

  1. Encore un beau film de Xavier Dolan après J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires :)

  2. Encore un beau film de Xavier Dolan après J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires :)

  3. bonsoir

    totalement d’accord avec toi: le film est une merveille, un des plus beaux de 2012 sans hésiter!!!

  4. bonsoir

    totalement d’accord avec toi: le film est une merveille, un des plus beaux de 2012 sans hésiter!!!

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