Film très attendu sur la Croisette, l’adaptation du roman de Jack Kerouac par Walter Salles avait de quoi séduire : un casting surprenant mais ingénieux, un réalisateur de talent, une bande annonce esthétisante… Finalement la déception aura été aussi grande que l’attente. Trop lent, sans grande profondeur, sans intérêt majeur et trop propre, Sur La Route reste un film sexy, très bien interprété et gentiment regardable.
Au lendemain de la mort de son père, Sal Paradise, apprenti écrivain new-yorkais, rencontre Dean Moriarty, jeune ex-taulard au charme ravageur, marié à la très libre et très séduisante Marylou. Entre Sal et Dean, l’entente est immédiate et fusionnelle. Décidés à ne pas se laisser enfermer dans une vie trop étriquée, les deux amis rompent leurs attaches et prennent la route avec Marylou. Assoiffés de liberté, les trois jeunes gens partent à la rencontre du monde, des autres et d’eux-mêmes.
Cela faisait des décennies que Sur la Route attendait son adaptation. Ayant vu ses droits achetés en 1968 par un certain Francis Ford Coppola, il aura fallu attendre 2012 pour voir quelqu’un mener à bien ce projet.
Sur la route raconte donc l’histoire de deux amis, Dean et Sal qui vont vivre ensemble la Grande vie. Comme pour fuir l’ennui, il prenne la route et parte à la conquête des états-Unis. La seule consigne : Vivre. En recherche d’un idéal, d’un “toujours plus” , d’un bonheur absolu. Alors pas de limite, la drogue coule à flot, le sexe est omniprésent et les excès sans demi-mesure. Une histoire rendue à l’écran beaucoup moins rock’n’roll que dans le roman de Kerouac mais qui reste quand même assez folle et gentiment osée …
Dès le début la beauté du film saute aux yeux. Les plans sont magnifiques, les décors superbes et nous font penser beaucoup à l’esthétisme de Carnets de Voyage. Pourtant, alors qu’on nous avait annoncé le film comme un grand Road-Movie, il semble que Walter Salles est oublié l’essentiel : les rencontres, la découverte, les surprises, les galères. Si bien que très vite on se met à suivre la drôle de vie de Sal, Deane et Marylou sans que jamais cette histoire soit sublimée par de nouvelles expériences ou rencontre. Là où attendait une sorte d’Into The Wild (quand il rencontre des gens pas quand il est tout seul dans son bus) on reste un peu sur notre faim tant cet aspect du road-movie est laissé de côté. Si bien qu’une fois qu’on a compris la mécanisme du film on commence à trouver le temps long. Le schéma se répète (voiture, baise, drogues) et ne donne pas à Sur la route des allures de film en mouvement et passionnant de bout en blanc. Quelque soit la ville dans laquelle ils se trouvent rien ne changent sauf les décors (et encore …) Dommage pour un Road Movie.
L’autre gros soucis de Sur la Route réside dans son manque de profondeur et d’enjeux. On suit donc les aventures plus que normales de trois beaux jeunes gens idéalistes et sans attaches et pourtant on a du mal à ressentir la moindre empathie ou envie à leur égard. Pendant 2h20 le film n’émeut jamais. Pourtant il y aurait de quoi mais Walter Salles n’appuie pas dessus et se contente d’énumérer des situations qui mises bout à bout ne donnent pas la profondeur et la richesse d’un Into The Wild ou d’un Carnet de voyage. On ne s’attache à personne ( ni à l’égoïste écorché vif Dean ni à sa pauvre femme qui l’attend patiemment géniale Kirsten Dunst) et on suit simplement un peu halluciné les aventures de nos trois héros. D’ailleurs Walter Salles ne s’attarde jamais sur les apports d’un tel voyage et on ne comprend pas bien à la fin du film ce que cette grande aventure leur a apporté.
Sans enjeux donc Sur la Route n’en reste pour autant pas déplaisant. D’abord parce que la photo demeure magnifique et surtout parce que la description de la Beat Generation est assez fascinante. A l’heure où chacun cherche à rentrer dans la norme il est intéressant d’observer comment après la seconde guerre mondiale, les jeunes tentaient d’y échapper à tout prix. Pas de pression sociale, pas de tabou, seulement une volonté de vivre pleinement sa vie. A la fin de On The Road des envies de liberté nous hantent et un désir de vivre les choses en plus grand reste bien présent.
Rien à rapprocher non plus à Sur la Route du côté de son casting. Les deux héros masculins étant troublant de sincérité. Garrett Hedlund en beau goss briseur de coeur un peu auto-destructeur à la James Dean fait une entrée fracassante dans le cinéma indé américain et Sam Riley en poète idéaliste plus timoré est juste parfait. D’ailleurs leur histoire d’amitié passionné et plus forte que tout est le premier intérêt du film tant elle est joliment dépeinte et très bien exploitée. A leur côté Kristen Stewart est un peu plus en retrait et moins marquante. Cependant le trio Garrett – Sam – Kristen dans un amour triangulaire à la Jules et Jim fonctionne à merveille même si la encore on aurait aimé un peu plus du côté de la relation Sal/Marylou.
Sans être le choc qu’on attendait, Sur la Route reste sympathique. Il aurait cependant fallu tellement plus de profondeur, tellement plus de recherches sur les personnages et tellement plus d’enjeux pour que ce film laisse une réelle trace. On aurait aussi aimé un film plus sombre, plus glauque et plus hard à regarder, un peu malsain et terriblement hypnotisant. Kerouac doit se retourner dans sa tombe tant l’esprit de son best-seller n’est jamais retranscrit dans le film de Walter Salles. Un coup dans l’eau …
M.