Après le très esthétisant le Ruban Blanc, Michael Haneke est de retour sur la Croisette pour présenter Amour. Aussi dérangeant que fascinant, le réalisateur autrichien fait dans le minimalisme et propulse son amour très très haut dans les estimes. Bouleversant, Michael Haneke pourrait une fois de plus rafler la mise …
Amour c’est l’histoire de Georges et Anne, octogénaires et cultivés, passionnés de musique, bourgeois, vivant dans un bel appartement haussmannien. Alors qu’ils mènent une petite vie tranquille, ils vont devoir faire face à un sacré coup dur. Anne est victime d’un accident. Atteinte de paralysie partielle, la maladie d’Anne va se développer très vite et petit à petit ne pourra plus rien faire seule. Georges reste présent et s’occupe comme il peut de sa femme. L’amour qui unit se couple va alors être mis à rude épreuve face à l’aggravation de l’état de santé d’Anne.
Dès le début du film et à 8h du matin un dimanche, on se demande bien dans quoi on s’est fourrés. Dans leur appartement coupé du monde, Georges et Anne par pudeur ou par habitude n’ont pas l’air si proches, si amoureux. Ils se parlent dans un langage soutenu et leur amour ne semble pas réel. Là, il faut passer au-dessus. Passer au-dessus du côté très théâtral du film, du côté récité et non joué des deux acteurs. Une fois qu’on accepte ce postulat, on peut se laisser emporter par la tornade Haneke.
Petit à petit, il plonge dans un déferlement du dramatisme impressionnant. Une dynamique de fatalité hallucinante enfermée entre quatre murs. Là, Haneke nous prend par la main pour nous montrer la vie et sa cruauté. La descente aux enfers une fois que la vieillesse prend le dessus. Pendant 2heures on est alors scotché à notre siège, incapable de bouger et de sortir de cette histoire pourtant si banale. Pour une fois Michael Haneke roi des artifices esthétiques enlèvent tout et se met à nu. Pas de procédés pour rendre les choses plus belles ou plus fascinantes, seulement une caméra qui circule dans un très bel appartement. De la salle à manger à la chambre, il se balade et crée ainsi le climat obsédant du huit clos. Là Haneke laisse les choses se faire et la magie opère. Pour la première fois et sans trop chercher ce résultat, Haneke émeut. Ou plutôt bouleverse.
Dans ses dialogues et lorsqu’il confronte l’intérieur (George, Alice) à l’extérieur (la fille, les infirmières) l’émotion est à son paroxysme et la réflexion sur l’accompagnement des personnes âgées bien présente . Dans sa volonté de monter un couple qui lutte pour sa survie, Haneke nous livre une très belle définition de l’amour qui n’est jamais acquis ou insubmersible même après des années.
La force d’Amour est très certainement dans sa capacité à nous ramener à notre propre expérience. Difficile alors décrire sur cette œuvre tant elle renvoie chacun à sa propre expérience, sa propre vie, ses propres peurs et à soi au final. Inquiétant alors, cruel chronique de fin de vie rythmée par un passé omniprésent. Haneke filme des tableaux, des photos et nous rappelle le temps qui passe indéniablement. Universel et profondément personnel, Amour ne peut pas laisser indifférent.
Porté par un duo d’acteur absolument saisissant (Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva) Amour devrait si tout va bien tout rafler au palmarès de ce 65ème festival de Cannes. Du double prix d’interprétation inévitable à la Palme D’or.
M.