Certaines histoires marquent au fer rouge. À Perdre la Raison, réalisé par Joachim Lafosse, est de celles-là. Inspiré d’un fait divers tragique survenu en Belgique en 2007, le film explore avec une justesse glaçante la descente aux enfers d’une femme piégée dans une relation toxique et étouffante.
Présenté dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2012, ce drame psychologique frappe en plein cœur grâce à une écriture subtile et un trio d’acteurs magistral : Émilie Dequenne, Tahar Rahim et Niels Arestrup.
Sortie en salle : 5 septembre 2012
Un engrenage implacable
Tout commence comme une histoire d’amour ordinaire. Murielle (Émilie Dequenne) et Mounir (Tahar Rahim) s’aiment passionnément. Elle est enseignante, il est encore étudiant. Mais très vite, leur relation se construit sous l’ombre pesante du Dr. Pinget (Niels Arestrup), médecin aisé qui a élevé Mounir comme son propre fils et qui refuse de le laisser partir.
Le couple emménage chez lui et, au fil des années, la dépendance devient asphyxiante. Murielle enchaîne les grossesses, s’isole de plus en plus, enfermée dans une spirale d’emprise psychologique où la soumission remplace peu à peu l’amour.
Le climat est suffocant. Tout semble parfait en surface : une belle maison, une vie confortable, aucun souci d’argent… et pourtant. Derrière cette façade, Murielle s’efface, réduite à son rôle de mère et de femme soumise à un mari absent et à un « père adoptif » omniprésent. La tension monte, implacable, jusqu’à un final terrifiant.
Un trio d’acteurs au sommet
Émilie Dequenne est bouleversante. Son interprétation de Murielle est d’une rare intensité. Elle incarne à la perfection cette femme qui s’enferme dans un silence destructeur, jusqu’au point de non-retour. Son regard, son corps qui se ferme petit à petit, tout chez elle traduit la détresse qui l’envahit.
Face à elle, Tahar Rahim joue un mari tiraillé, tantôt aimant, tantôt lâche, incapable de couper le cordon avec son père adoptif. Et Niels Arestrup ? Terrifiant. Son Dr. Pinget est d’une bienveillance toxique, étouffant sous couvert de générosité, imposant son emprise sous une fausse bienveillance.
Leur dynamique à trois est d’une précision chirurgicale. Chaque regard, chaque silence, chaque mot non-dit pèse lourd.
Une montée en tension maîtrisée
À Perdre la Raison prend son temps. Certains pourront trouver le rythme lent, mais cette lenteur est essentielle. Elle épouse le quotidien oppressant de Murielle, cette routine qui devient une prison. On connaît l’issue dès le départ, on la redoute, mais on espère jusqu’au bout un miracle.
Et puis, le choc final. Une scène qui glace le sang, qui laisse sans voix. Un véritable uppercut émotionnel.
Pourquoi voir À Perdre la Raison ?
Parce que c’est un drame qui prend aux tripes et laisse une empreinte indélébile. Inspiré d’un fait réel bouleversant, il explore avec une justesse terrifiante l’engrenage d’une emprise psychologique et la descente aux enfers d’une femme piégée. Émilie Dequenne livre ici une performance magistrale, incarnant avec une intensité rare la détresse silencieuse de son personnage. Face à elle, Tahar Rahim et Niels Arestrup jouent avec finesse les deux pôles de cette oppression : un mari à la fois aimant et lâche, et un « père adoptif » bienveillant en apparence, mais terrifiant dans son contrôle. La mise en scène immersive de Joachim Lafosse, volontairement lente et étouffante, plonge le spectateur dans un malaise grandissant, rendant l’issue d’autant plus insoutenable. Et puis il y a ce final, ce choc absolu, qui glace le sang et hante longtemps après la projection. Un film fort, dur, nécessaire.
Ma note : 8/10 Pour l’émotion brute et le choc final.
À voir absolument, mais préparez-vous à être bousculé.