Pour son premier film derrière la caméra, Paddy Considine frappe fort, très fort en nous proposant une chronique écossaise aussi poignante que déchirante. Un film dur, très sombre, porté par un duo d’acteurs au sommet.

Dans un quartier populaire de Glasgow, Joseph est en proie à de violents tourments à la suite de la disparition de sa femme. Un jour, il rencontre Hannah. Très croyante, elle tente de réconforter cet être sauvage.
Mais derrière son apparente sérénité se cache un lourd fardeau : elle a sans doute autant besoin de lui, que lui d’elle.

Paddy Considine eut l’idée de mettre en scène Tyrannosaur après la réalisation de son premier court-métrage Dog altogether (2008), les gens le sollicitant à plusieurs reprises pour savoir ce qu’il advenait des personnages (à la base, il voulait faire un second court-métrage centré sur la femme qui vient en aide à Joseph). Il s’enferma alors chez lui, et écrivit le scénario de Tyrannosaur en 10 jours.

A la vue de cette anecdote, le génie de Paddy Considine saute aux yeux.  Pour son premier long métrage, le réalisateur quarantenaire passe 10 jours chez lui et vous pond un scénario d’une richesse incroyable et d’une noirceur sans nom. Derrière la caméra il sera tout aussi habile et vous livrera en 1h30 chrono l’un des films les plus marquants de cette année !

Dès le début on sent un climat oppressant et une ambiance lourde. Paddy Considine n’y va pas par quatre chemins pour nous dire que Tyrannosaur ne sera pas une comédie sociale. Première scène et premier drame: Joseph aidé par l’alcool passe à tabac son chien gratuitement. Notre sang se glace alors et on attend la descente aux enfers sagement recroquevillé dans notre fauteuil. Le réalisateur parviendra à maintenir ce sentiment d’angoisse tout au long du film et vous assure qu’une fois que le Tyrannosaur a croisé votre route , il ne vous lâchera pas d’une semelle.

Tyrannosaur s’inscrit comme un drame britannique dans la pure tradition. Le ciel ne sera jamais bleu et les couleurs ne vous feront pas mal aux yeux. Les maisons de banlieue se ressemblent. Les clients du bar noient leur ennui dans la bière. Le travail n’a pas l’air d’être la préoccupation majeure des habitants. Un monde où l’espoir n’existe peu et où la violence et la provocation sont les seules occupations. Un monde où le danger peut surgir à chaque coin de rue et où jamais personne ne se sent en sécurité. Au delà de ce quartier déprimant à souhait, les habitants que l’on croise sont guère plus accueillants. De Joseph, mi-ange mi démon, dont les impulsions de violence ont précipité sa femme dans la tombe à James, qui bat et humilie sa femme à longueur de journée, ou encore au voisin abruti, propriétaire d’un pit-bull qui passe sa rage sur le fils de sa compagne, on peut dire que dans Tyrannosaur les portraits d’homme ne sont pas vraiment élogieux.

Dans Tyrannosaur pas grand chose pour vous faire espérer d’un meilleur. Alors qu’on croit que Joseph va être ramené à la vie par Hannah, le réalisateur change complétement son fusil d’épaule et inverse les rôles. Deux êtres brisés qui vont se rapprocher et tenter mutuellement de s’aider malgré les épreuves qu’ils rencontrent. Et alors que vous pensez que les deux héros sont sortis d’affaires, Paddy Considine enchaine les horreurs. Un spectacle à la limite du regardable où les humiliations et la violence sont à la hauteur du génie du film. This is England !

Paddy Considine ne s’enferme pas non plus dans ce chaos insoutenable et en sortira des beaux moments de tendresse. De rares scènes appréciables dans lesquelles les protagonistes ont l’air enfin heureux. De très beaux moments du quotidien qui viennent apporter à Tyrannosaur une certaine innocence et un peu de ciel bleu après l’orage. D’ailleurs la scène de l’enterrement résume à elle seule le passage du film de l’ombre vers la lumière. Hannah et Joseph se sont trouvés et ne sont pas prêts de se lâcher et cela quoi qu’il advienne ! Paddy a aussi la bonne idée d’introduire un jeune enfant dans son film et d’instaurer entre lui et Joseph une jolie amitié qui nous rappellera Gran Torino dans sa forme. D’ailleurs la ressemblance à Gran Torino est assez flagrante tant Joseph est une sorte de version animale de Walt Kowalski.

A film d’exception, acteurs d’exception. Pour jouer ces héros meurtris, Paddy Considine fait appel à Peter Mullan et Olivia Colman qui sont d’une justesse exceptionnelle et qui livrent ici une prestation incroyablement forte tout en nuance. Olivia Colman est la révélation évidente de ce film et trouve ici le plus grand rôle de sa carrière.

Avec tout ça Paddy Considine réussit à éviter tous les pièges et à ne jamais tomber dans un misérabilisme imbuvable et ne prend pas en otage le spectateur grâce à une mise en scène toute en subtilité. Il évite les gros plans chargés d’émotion et cadre large comme pour nous livrer un témoignage. Il ne cherche jamais à convaincre, ni à faire accepter son point de vue mais raconte juste une histoire. En plus, et cela grâce à une écriture très affinée, Paddy nous montre la violence et la souffrance de chacun des personnages. Chacun à sa manière, souffre et extériorise ce mal par la violence. Des personnages ni tout bons ni tout mauvais toujours en équilibre entre le bien et le mal qui cherchent quelque part une bouée de sauvetage …

Paddy Considine a tout bon dans son Tyrannosaur et vous fera réfléchir quelque peu sur les notions de pardon et de rédemption. Un film coup de poing aussi effrayant que fascinant porté par deux acteurs extraordinaires. Un grand film.

M.

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4 Comments

  1. Bonjour,
    Me voici de retour par ici. 
    Et je ne peux qu’acquiéser et adhérer à cette critique. Nous partageons le même avis sur ce film formidable porté par un tandem d’acteurs éblouissants. 

  2. Bonjour,
    Me voici de retour par ici. 
    Et je ne peux qu’acquiéser et adhérer à cette critique. Nous partageons le même avis sur ce film formidable porté par un tandem d’acteurs éblouissants. 

  3. Nice article, t’as tout bon dessus, ça fait plaisir.
    La notre est sur ASBAF : http://www.asbaf.fr/2012/05/tyrannosaur-baise-ta-soeur.html à tobien ici chez nous

  4. Nice article, t’as tout bon dessus, ça fait plaisir.
    La notre est sur ASBAF : http://www.asbaf.fr/2012/05/tyrannosaur-baise-ta-soeur.html à tobien ici chez nous

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