Quand le maître Francis Ford Coppola revient hanter nos écrans, c’est toujours un événement ! Et même si on se dit que ses chefs d’œuvres sont derrière lui, on se laisse encore charmer par ses nouveaux projets (Tetro en est le plus bel exemple). Twixt s’inscrit dans cette lignée : beau, énigmatique, intelligent. Sans être l’immense film qu’on espérait il vient déterrer les fantômes du réalisateur et propose une très belle réflexion sur la mort et le deuil.
Un écrivain sur le déclin arrive dans une petite bourgade des Etats-Unis pour y promouvoir son dernier roman de sorcellerie. Il se fait entraîner par le shérif dans une mystérieuse histoire de meurtre dont la victime est une jeune fille du coin. Le soir même, il rencontre, en rêve, l’énigmatique fantôme d’une adolescente prénommée V. Il soupçonne un rapport entre V et le meurtre commis en ville, mais il décèle également dans cette histoire un passionnant sujet de roman qui s’offre à lui. Pour démêler cette énigme, il va devoir aller fouiller les méandres de son subconscient et découvrir que la clé du mystère est intimement liée à son histoire personnelle.

Drôle de projet que ce Twixt. L’idée du film serait née d’un rêve de F.F Coppola après une soirée alcoolisée à Istanbul. Un rêve récurant qui est venu habiter le réalisateur d’ Apocalypse Now toutes les nuits qui ont suivi. Un rêve qui, petit à petit, s’est construit, développé et étoffé pour finalement devenir le  trentième film de Coppola. Un film synonyme d’exutoire et de purgatoire dans lequel Francis Ford nous dévoile sa culpabilité quant à la mort de son fils en 1986. Un film ultra-personnel sur fond de vampires d’autant plus touchant quand on connait l’histoire qui se cache derrière.

Dès les premières minutes Francis Ford Coppola pose les bases d’un film d’un genre nouveau. Les décors et les personnages nous font penser au Twin Peaks de David Lynch, l’ambiance générale évoque Kubrick quand aux couleurs saturées des paysages nocturnes et au rouge sanguinolent qui vient trancher avec ce noir et blanc sublime , elles nous rappellent Tim Burton. Un drôle de mélange auquel il faut ajouter le trip gothique/vampirique qui n’a toutefois rien à voir avec les buveurs de sang scintillants de Twilight. Un beau bordel pourtant finement ficelé. Coppola arrive avec une facilité exemplaire à mêler monde de la nuit et vie le jour en exploitant à merveilles la pathologie de chacun des personnages. Le papa de Sofia n’oublie pas non plus d’ajouter à sa recette un certain second degrés et un humour très noir pour notre plus grand plaisir.

Un film assez étrange à la limite du trip sous acides dans lequel il faut se laisser aller, s’abandonner et se laisser envahir par cette histoire. Une fois qu’on a laissé Coppola prendre le dessus sur nous, la magie peut alors opérer. Sans cet abandon et cette dévotion, impossible de rentrer dans l’histoire et de se laisser séduire.

Coppola est un compteur d’histoire, un savant fou qui mélange des choses qui n’ont à priori aucun lien entre elles pour nous livrer la plus fascinante et la plus belle des histoires. Et derrière cette apparente fantaisie, il nous parle d’un homme, alcoolique, à la limite de la folie, écrivain raté et mari absent, qui cherche à penser ses blessures. Un homme coupable qui préfère fuir la réalité autant que possible. Une histoire tragique d’un homme en perdition magistralement comptée par Francis Ford Coppola.

Impossible de parler de Twixt sans parler de ses acteurs. Val Kilmer signe ici son grand retour sous forme d’aveu. Il incarne avec beaucoup de naturel Hall Baltimore, écrivain raté qui tente de donner un nouveau souffle à sa carrière. Même si il faut souligner qu’il prend ici un énorme coup de vieux et que son atroce queue de cheval lui donne un côté très has been, on voit mal après avoir vu Twixt qui aurait pu jouer ce rôle. Impossible de passer à côté d’Elle Fanning qui nous avait ébloui dans Somewhere qui interprète une jeune vampire aussi attachante qu’inquiétante mais toujours aussi sublime. Ben Chaplin en Edgar Allan Poe est juste parfait tant sa beauté juvénile et son charisme ne sont plus à redire.

Petite fantaisie du maitre, la 3D n’est utilisée dans le film que pendant 5mn. Un parti pris du réalisateur qui se justifie en en expliquant qu’une 3D pendant 2 heures est pénible, souvent inutile. Une petite précision qu’il nous fallait signaler histoire de pas passer comme nous 1h30 lunettes 3D sur le nez pour rien…

Sans être le film du grand retour qu’on attendait, Twixt dépeint avec beaucoup de grâce la culpabilité et la difficile acceptation de la mort d’un proche. Une métaphore sur le deuil très belle sublimée par une photo magnifique et une Elle Fanning solaire.

M.

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