Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours réalisé des films. A chaque voyage en train, à chaque instant de ma vie,  je vois les personnages, me récite leurs dialogues, et connais même la musique qui pourrait accompagner chaque plan. Je suis envahie d’images, de sons et me dis que ce film marcherait forcément. J’imagine devenir la plus jeune réalisatrice française à remporter un César et situe mon travail quelque part entre Xavier Dolan et Sofia Coppola. Derrière ma caméra invisible tout devient possible. Le quotidien est sublimé et chaque action, pourtant anodine, est imprégnée d’une Aura indescriptible. J’imagine mais ne fais rien et me contente de fréquenter les salles obscures.

Je m’effondre en découvrant Le Tombeau des Lucioles, ris aux éclats devant Little Miss Sunshine, fantasme devant Ryan Gosling au volant dans Drive et repense à Margot incapable de prononcer le moindre mot après Old Boy. Le rêve américain s’effrite quand je découvre American Beauty. Pour moi toutes les oranges sont mécaniques, les Affranchis existent encore quelque part et Jean Paul Belmondo est toujours le jeune premier d’A bout de Souffle. Je me perds à Mulholand Drive et me retrouve à Chinatown avant de rejoindre Manhattan au petit matin. Paris brule toujours et j’imagine croiser les héros de François Truffaut à chaque carrefour. Pour moi, Erasmus ressemble à  L’auberge Espagnole, les campus américains aux Lois de l’Attraction et Mai 68 à The Dreamers. Pour autant je n’ai entrepris aucun Péril Jeune et n’ai réellement jamais fait les 400 coups. Ma seule vision de la Guerre est celle d’Apocalyspe Now et de Full Metal Jacket mais je ne franchis jamais La Ligne Rouge. Je rêve d’une famille à la Tenenbaum, d’une histoire d’amour comme dans 500 jours Ensemble et d’une amitié à la Thelma et Louise. Je retrouve mes 10 ans quand je revois E.T et perds à nouveau mon innocence devant Amours Chiennes.

Dans mon monde, Cary Grant a toujours la Mort aux Trousses et Romy Schneider se repose au bord de La piscine. Stanley Kubrick a réalisé Napoléon et les sœurs Lisbon se réveillent après un long sommeil. La vie n’est pas un long fleuve tranquille et la fin du monde ressemble à Melancholia. Requiem for a Dream m’a définitivement convaincue de ne jamais prendre de drogues et Shining de ne jamais habiter un hôtel en basse saison. J’hésite encore à prononcer trois fois d’affilé Beetlejuice et Les Autres me donnent encore des Sueurs Froides. J’ai déjà essayé de remonter le temps en relisant mes journaux intimes mais je n’ai jamais saigné du nez. J’ai aussi essayé de sauter dans un tableau dessiné à la craie ou de me faire aspirer par une cheminée mais sans succès. J’ai cherché dans les rues de Paris la café des Deux Moulins et danser sur le Pont Neuf en attendant un feu d’artifice qui ne vint jamais. Je suis montée à Montmartre en espérant que Fabrice Luchini me voit du haut de la Tour Montparnasse. Je me suis pris pour Marie Antoinette à Versailles et simulé des Liaisons Dangereuses. J’ai chuchoté mille fois Paris je t’aime. J’ai voulu me mettre à la boxe après Million Dollar Baby, au skate après Paranoid Park et au bobsleigh après Rasta Rockett. J’ai pensé à rejoindre la brigade de protection des mineurs après avoir vu le film de Maiwenn et voulu hurler ma Fureur de vivre à la fin de La Guerre est déclarée.

Australia m’a passé toute envie de visiter ce pays, et La Croisière m’a donnée le mal de mer. Je reste de glace quand Joachim Phoenix me crie qu’il est Still Here mais tombe sous le charme quand il se met à chanter I Walk The Line. J’ai retenu mes larmes en voyant Javier Bardem en phase terminale et pleurer vraiment en découvrant pour la première fois il y a deux semaines Sur la Route de Madison. Pour moi Roméo et Juliette est un film de Baz Luhrmann et Le Lac des Cygnes est une tragédie signée Darren Aronofsky. La “psychose” n’est pas une maladie mais le plus grand film jamais réalisé et Elephant n’a rien à voir avec un animal. Aussi, Magnolia est bien plus qu’une fleur ou qu’une chanson de Claude François et Seven n’est pas un simple chiffre. Je suis persuadée que les hôpitaux psychiatriques ressemblent à Vol au Dessus d’un Nid de Coucou ou à Shutter Island si on a plus de chance. Je crois qu’il existe une Science des rêves et que notre âme pèse 21 Grammes. Souvent j’ai peur de montrer la couleur de mes sentiments pour éviter certaines Etreintes brisées mais rêve en secret d’une idylle à la Bonnie & Clyde. Mais je vais bien ne vous en faites pas …

M.

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