Avant d’etre déclaré “Persona non Grata” au festival de Cannes, Lars Von Trier venait présenter en compétition son dernier film, Melancholia, deux ans après son sulfureux Antichrist qui avait valu à Charlotte Gainsbourg le prix d’interprétation féminine.
Justine et Michael se marie. A cette occasion, ils donnent une somptueuse réception dans la demeure de la soeur de Justine, Claire, et de son beau-frère, John. Alors que la fête bat son plein, Justine sombre petit à petit dans la tourmente, dans une sorte de mélancolie qu’elle semble avoir héritée de sa mère. Pendant ce temps, une planète géante, Mélancholia se rapproche dangereusement de la Terre…
Avec Melancholia, Lars Von Trier nous livre son interprétation de la fin du monde. Une interprétation très personnelle, très sombre qui vous bouleversera au plus profond de votre âme.
Lars Von Trier commence son film de la plus belle des manières. Pendant près de dix minutes, on assiste à la fin du monde, ou du moins à quelque chose qui y ressemble! Des scènes aux ralentis incroyables, rythmées par une musique apocalyptique! Si The Tree of Life a été souvent applaudit pour ses qualités esthétiques attendez de voir ce que vous a préparé Lars Von Trier… Époustouflant.
Oui la première qualité du film réside bien sur dans son esthétisme à en couper le souffle! D’abord ce décor insolite, cette maison magnifique, puis ce golf, cette foret et cette étoile lumineuse qui se rapproche tout doucement… On avait rarement vu quelque chose de si beau au cinéma ! Terrence Malick n’a qu’à bien se tenir!
Melancholia c’est encore une histoire de femme brisée. Et quelle femme! Justine, interprétée par l’insaisissable Kirsten Dunst, est tourmentée malgré un bonheur qui lui tend les mains. Fraîchement mariée, elle va sombrer dans une sorte de tristesse incompréhensible puis dans un désespoir immense. Une mélancolie incompréhensible quant on voit le contexte mais Lars Von Trier nous livre petit à petit les clefs (enfin pas toutes). Surtout au travers du personnage de sa mère, Gaby (Charlotte Rampling effrayante de froideur) qui refuse de faire semblant et ne croit en rien.
D’une mère instable, découle une famille désunie, décousue, instable elle-aussi. Malgré l’amour et la réussite professionnelle, Justine va aller en dépit du bon sens et plonger dans une folie destructrice troublante et très inquiétante. Kirsten Dunst n’a jamais été aussi inquiétante, aussi cruelle, aussi flippante qu’aujourd’hui. Rien à voir avec sa prestation dans Spiderman, elle est même très loin de son rôle d’adolescente dépressive du cultissime Virgin Suicide. Lars Von Trier prouve une nouvelle fois qu’il est le seul réalisateur à proposer des rôles de femmes, de vraies. Un passage chez Lars Von Trier vous assure un traumatisme profond (Kirsten Dunst porte encore les traits de son passage chez le réalisateur allemand) mais un prix d’interprétation par la même occasion.
Melancholia est une réussite totale tant au niveau de sa mise en scène que dans son scénario. Si le film commence comme une jolie comédie romantique hollywoodienne (la limousine, le mariage et la robe de princesse) il se transforme vite en drame percutant et dérangeant. Le spectateur assiste impuissant à la chute libre de Justine et à sa méchanceté glaçante et brutale. Pris au piège, il ne sait s’il doit plaindre ou haïr cette Justine tant elle oscille en permanence entre ange et démon. La montée en puissance du dénouement dramatique est aussi une des plus belles choses du film. Petit à petit, le film s’éloigne de la comédie douce-amère par laquelle il s’était ouvert. Les personnages se révèlent au fur et à mesure que l’espoir de voir la planète se détourner s’amenuise. Une montée en puissance du dramatique hallucinante qui vous assure une immersion totale et sans retour.
Les films de Lars Von Trier sont souvent des Puzzles où chaque pièce s’imbrique petit à petit. Ici le Puzzle reste en chantier et toutes les questions ne trouvent pas de réponse. Pourquoi ce cheval refuse-t-il de traverser ce pont? Combien de temps s’est écoulé depuis le mariage? Ou est le reste du monde pendant que Melancholia approche dangereusement? Ou se trouve cette maison si grandiose et si éloignée de la vie?
Lars Von Trier crée un climat d’angoisse permanent. D’abord par une première partie pleine de monde où on voit Justine ne plus en pouvoir, comme noyée dans la foule. Puis le film ne quitte plus la propriété de Claire et un huit clos insoutenable voit le jour autour de quatre personnages. Seule connexion avec le monde, un ordinateur connecté à internet. Et quand les éléments se déchaînent, toute fuite vers le village le plus proche est impossible. Comme si cette famille était maudite et destinée à rester coupée du monde. Rien à faire d’autre qu’attendre la mort, sagement ou pas…
Les dernières minutes du films sont d’une beauté inexplicable où tout le film prend son sens. Un cataclysme monstrueux où Justine semble enfin avoir trouvé la paix.
Du côté des bonus, l’éditeur POTEMKINE propose une version Blu-Ray très riche. Diverses interviews (dont une de 30 mn avec Lars Von Trier) sont présentes ainsi que l’intégralité de la conférence de Presse de Cannes. Une bien belle édition blu-ray !
Mélancholia est un film boulversant, fascinant qui vous retournera. N’essayez pas d’en sortir indemne, c’est peine perdue. Un film à voir plutôt qu’à raconter et à revoir, revoir, revoir, revoir… Un Blu-Ray à posséder absolument tant l’image et le son rendent à merveille les émotions ressenties sur grand écran !
M.
7 Comments
Je veux pas faire le mouton noir – comme d’hab ! – mais je suis d’un avis bien plus mitigé. Bon, déjà, je pense qu’on ne peut pas le comparer à Malick d’un point de vue esthétique, Malick cherche un le naturalisme absolu – je pense qu’aucune scène n’est éclairée artificiellement – alors que Von Trier joue énormément avec les éclairages, et peut-être des filtres.
Quoi qu’il en soit, l’histoire m’a déplu, ou plutôt, dérangé. On parle de fin du monde avec des êtres profondément déréglés, sauf Claire. J’avoue qu’il y a quelques scènes magnifiques, dont le final, mais sur son ensemble, je n’adhère pas à Melancholia. Je vais y revenir sur Silence Action cette semaine – quelle coïncidence !
Tu as vu Antichrist ?
Petit mouton noir,
Je pense que la fatigue cannoise t’a empêchée d’y voir clair et qu’ils t’ont peut etre donné de la drogue :) Non je comprends aussi ton point de vue
Je voulais pas le “comparer” à Malick car ca n’a rien à voir vraiment comme tu l’as dit. C’était plus dans l’idée qu’esthétiquement t’en prends plein les yeux et les oreilles!! Le début du film est incroyable et même s’il joue beaucoup d’effets de style j’ai trouvé ça vraiment très réussi ! Après l’histoire est ouf je trouve et justement je trouve ça fou toute cette opposition entre les personnages. Enfin c’est le genre de film qu’on n’oublie pas je pense. Peut être va le revoir au Festival Paris Cinéma :)
Quant à Antichrist je l’avais vu et profondément aimé même si j’avais été complètement choquée ! Lars Von Trier doit aimé ce cinéma très choc avec des images qui restent! J’ai vu Antichrist il y a quoi deux ans et j’ai l’impression que c’était hier!!
Je ne serai pas là durant le Festival Paris Cinéma.
On est d’accord, dans Antichrist, il y a aussi cette histoire de barrière invisible ? Ils ne peuvent pas quitter la forêt.
Complètement d’accord! Ils sont coupés du reste du monde on ne sait pas trop pourquoi. Le cheval qui refuse de traverser le pont m’a complètement troublé! Ca rajoute beaucoup à l’ambiance oppressante d’un huit clos dans un terrain immense sans fin.
Il est vrai que ces premières images sont magnifiques, notamment le contraste obscurité lumière en face du chateau. A voir… mais je ne suis pas convaincu que la fin du monde dans ce film soit moins dure que dans un blockbuster tel que 2012, c’est juste plus beau…
Perso, j’ai vue le film hier, et je trouve que les acteurs jouent super bien, mais que le film est vraiment trop glauque, puis que; franchement, on se fait bien chier. Je trouve que c’est vachement répétitif au bout d’un moment, quand les trois vont dans leur maison de campagne. Puis c’est lent, il n’y a pas d’action. Non vraiment, j’ai été déçue. Pareil que MuchPoney, le chevale qui ne veut pas traverser ma completement troublée. Pour finir, je ne suis pas d’accord avec Dom quand tu dis qu’il n’a pas joué avec la lumière. La fin est quand même super belle, mais pas très originale.
Juste pour le cheval qui ne veut pas traverser le pont… je ne pense pas qu’il y ait d’explication autre que l’instinct, ou le sale caractère de la bête si l’on veut… un cheval peut très bien se mettre dans la tête de ne pas traverser un pont, et il fera tout (ou presque) pour ne pas le faire !
Et pour répondre à la dernière remarque de cet article, en effet, quand on voit voit ce film, on ne peut pas en sortir indemne !