Pour son premier film, Jean Baptiste Leonetti frappe fort. En réalisant un film d’anticipation pessimiste, sombre, d’une violence rare, le réalisateur français ré-invente le cinéma de genre tricolore. Un film choc qui souffre néanmoins d’un gros problème de rythme.
Dans un monde déshumanisé, Philippe et Marie, deux orphelins, grandissent ensemble.
20 ans plus tard, ils sont mariés. Philippe est un cadre froid et implacable. Marie assiste impuissante à ce qu’ils sont devenus l’un pour l’autre : des étrangers.
Leur destin bascule lorsque Marie décide de braver le système pour préserver ce qu’il reste de leur amour.
Jusqu’où iront-ils pour continuer d’exister à deux, seuls contre tous ?
La première chose qu’il faut retenir en voyant Carré Blanc, c’est son caractère ultra-novateur et ultra-déroutant pour un film français. Le caractère oppressant du film, son thème, sa violence, ne nous donne vraiment pas le sentiment de voir un film français. Jean Baptiste Leonetti réalise un film choc, très dérangeant dans lequel il propose sa propre vision plutôt morbide et pessimiste du futur. Un monde où les hommes vivent dans des immeubles identiques où des filets de sécurité ont été installés pour éviter tout suicide… Un monde où les faibles sont automatiquement éliminés et les autres contraints et forcés d’afficher un sourire permanent. Un monde où les entretiens RH se transforment en couperet pour ceux qui échouent… On a vu plus gai en version du futur !
Leonetti nous plonge dans un monde déshumanisé, où les hommes sont devenus sans coeur et cannibales. On pense à Orange Mécanique et son Ultra-violence insoutenable et on pense surtout à l’expérience de Millgram. Alors que celle-ci impliquait trois protagonistes (un expérimentateur, un sujet et un apprenant) on a dans Carré Blanc le sujet qui est aussi un apprenant. Ainsi, les employés n’hésitent pas à s’infliger des sanctions atroces sous prétexte qu’elles émanent d’une autorité… Dans Carré Blanc, rares sont ceux qui refusent de se soumettre à l’autorité, rares sont ceux qui n’obéissent pas … Une idée très brillante du réalisateur qui pousse l’expérience de Millgram à son paroxysme et nous montre en plus que l’homme est bien un loup pour l’homme…
Carré Blanc se distingue par un esthétisme très troublant. Les décors déserts, les immeubles sans fin, l’entreprise si mystérieuse, les cafés déserts, nous donnent la vision d’un film catastrophe où toute la population aurait été anéantie ou se cacherait, et/où toute vie est désormais impossible. Un constat encore plus frappant qui jure avec les couleurs très claires et le calme apparent du bureau de Philippe (interprété par un Sami Bouajila implacable).
Carré Blanc laisse la part belle à l’interprétation de chacun. Ainsi, le film renferme ses secrets et difficile de trouver toutes les clefs. Que signifie ce Carré Blanc présent sur la nourriture et un peu partout, dans quelle époque sommes-nous, pourquoi les orphelins sont-ils envoyés dans ce centre inhumain, qui est cet enfant que cet homme s’efforce de cacher…? Des mystères sont omniprésents et demandent à chacun une grande réflexion à la fin du film. Oui car Carré Blanc est avant tout un film qui donne à réfléchir sur la condition humaine et sur ses possibles dérives…
Un film extrêmement bien pensé et extrêmement riche qui souffre pourtant de gros problèmes de rythmes. Carré Blanc souffre de sa petite durée : 1h17. Ainsi, pas le temps de rentrer vraiment dedans, de comprendre ce qu’il se passe vraiment, que c’est déjà la fin. Dès le moment où les deux amants se retrouvent et entament la rébellion, le générique de fin s’abat. On aurait aimé en savoir un peu plus. Dommage. Quant à l’histoire d’amour, elle est un peu désuète et mal traitée. On ne sait rien sur ce couple et les raisons du drame. Et on s’en fiche un peu ! Carré Blanc n’est alors pas vraiment un long métrage mais pas non plus un court métrage et le contenu n’est au final pas si dense… Carré Blanc aurait très bien pu se résumer en 30 minutes et on l’aurait tout autant apprécié, peut être même en peu plus.
Carré Blanc est toutefois un film à voir, ne serait-ce que pour son caractère avant gardiste dans le cinéma français et pour sa vision extrêmement négative de la race humaine.
M.
2 Comments
P***** mais tu spoil la fin là !
En effet, gros spoil…